Politique

Algérie-France : une nouvelle crise diplomatique éclate après des expulsions et des arrestations

Paris — Les relations entre la France et l’Algérie connaissent un regain de tensions après la décision d’Alger d’expulser douze agents français, dont des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, dans un délai de quarante-huit heures. Cette mesure, annoncée lundi 14 avril par le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, intervient en réponse à l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien soupçonné d’implication dans l’enlèvement d’un opposant au régime. Paris menace de répliquer si la décision est maintenue.

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Une escalade rapide


Samedi, un employé d’un consulat algérien en France a été placé en détention avec deux autres hommes. Tous trois sont poursuivis pour « enlèvement », « séquestration » et « association de malfaiteurs terroriste » dans le cadre de l’affaire Amir Boukhors, un influenceur algérien de 41 ans vivant en France sous protection politique. Selon le parquet antiterroriste français, l’agent consulaire aurait été localisé près du domicile de M. Boukhors au moment de son enlèvement, fin avril 2024. Relâché après moins de 24 heures, l’opposant avait déjà subi deux agressions, dont une en 2022.

Alger a immédiatement dénoncé une « cabale judiciaire », qualifiant les accusations de « farfelues ». Dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères a averti que cette situation « causera un grand dommage aux relations algéro-françaises ». La demande d’expulsion des douze agents français, formulée moins de 48 heures après l’arrestation, marque une rupture avec les récents efforts de détente entre les deux pays.

Un contexte diplomatique fragile


Cette crise survient une semaine après la visite de Jean-Noël Barrot à Alger, présentée comme le début d’une « nouvelle phase » bilatérale. Début avril, Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune avaient acté la fin d’une précédente crise, évitant de justesse une rupture diplomatique. Les contentieux historiques — mémoire coloniale, visas, partenariat énergétique — avaient alors été éclipsés par des déclarations apaisées.

Mais l’affaire Boukhors ravive les frictions. L’Algérie réclame depuis 2023 l’extradition de cet influenceur, visé par neuf mandats d’arrêt internationaux pour « escroquerie » et « infractions terroristes ». La justice française a refusé, lui accordant l’asile politique. Son enlèvement, suivi de l’implication présumée d’un diplomate algérien, a donc offert un prétexte à Alger pour durcir le ton.

Des répercussions immédiates


La demande d’expulsion cible spécifiquement des agents liés au ministère de l’Intérieur français, selon une source diplomatique. Un choix perçu comme symbolique, alors que le ministre Bruno Retailleau, connu pour ses positions fermes envers l’Algérie, effectue une visite au Maroc — rival régional d’Alger. Paris dénonce une décision « sans lien avec la procédure judiciaire » et promet des « représailles immédiates » en cas d’application.

Les précédents suggèrent une possible expulsion mutuelle de diplomates. En 2023, une crise similaire avait conduit à la fermeture temporaire de l’espace aérien algérien aux avions militaires français. Les enjeux actuels dépassent cependant le cadre symbolique : la coopération antiterroriste, les échanges économiques (plus de 7 milliards d’euros annuels) et la gestion des flux migratoires pourraient être affectés.

Un équilibre précaire


Les deux capitales tentent de limiter l’escalade. Jean-Noël Barrot a appelé Alger à « renoncer à ces mesures », soulignant l’absence de preuves formelles contre l’agent consulaire. Mais la machine judiciaire française semble difficile à arrêter : les trois suspects restent en détention provisoire, et l’enquête se poursuit.

Côté algérien, la réaction reflète une sensibilité accrue aux affaires impliquant des opposants à l’étranger. Le régime d’Alger, qui multiplie les procédures contre les dissidents exilés, perçoit l’asile politique accordé à M. Boukhors comme une provocation. L’implication présumée d’un diplomate dans une opération illégale sur le sol français offre à Paris un levier inattendu, mais risque d’envenimer les rapports.

Vers une sortie de crise ?


Les prochaines heures seront déterminantes. Si Alger maintient son ultimatum, Paris devra choisir entre une réponse proportionnée — expulsion d’agents algériens — et une mesure plus forte, risquant d’enflammer les tensions. La visite récente de M. Barrot montre que les canaux de dialogue restent ouverts, mais la confiance est ébranlée.

L’enjeu dépasse la simple querelle diplomatique : la stabilité régionale, en particulier dans le Sahel, où Paris et Alger poursuivent des intérêts divergents, pourrait en pâtir. Les deux pays ont intérêt à éviter une rupture, mais la gestion de cette crise testera leur capacité à concilier souveraineté judiciaire et realpolitik.

Alors que les douze agents français se préparent à quitter Alger, la balle est dans le camp des chancelleries. L’histoire récente montre que les crises entre les deux pays peuvent s’enliser comme se résorber rapidement. Reste à savoir si raison d’État ou émotion politique l’emportera.

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