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BAC, BEPC, Concours : l’intelligence artificielle s’invite dans la fraude en Côte d’Ivoire

À trois mois des examens nationaux, une nouvelle menace plane sur le système éducatif ivoirien. Portée par la montée fulgurante de l’intelligence artificielle, la fraude scolaire prend une autre forme, plus discrète, plus rapide, et surtout plus difficile à contrôler. Le BAC, le BEPC et plusieurs concours administratifs deviennent le terrain de jeu d’outils numériques capables de résoudre un sujet complet en un clin d’œil. Ce qui était autrefois l’apanage de réseaux bien organisés semble désormais à la portée de tout élève connecté.

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Une révolution numérique qui bouscule les révisions traditionnelles

Depuis quelques mois, dans les groupes WhatsApp d’élèves comme dans les couloirs des cybercafés, un nouveau réflexe s’installe : poser une question à ChatGPT, Perplexity ou Gemini plutôt qu’au professeur du quartier. Ces intelligences artificielles génératives répondent en quelques secondes, corrigent, réexpliquent, reformulent. Mieux : elles s’adaptent au niveau de l’élève. Résultat, une partie de la jeunesse découvre un assistant de révision infatigable, disponible H24, gratuit… du moins dans ses versions de base.

Pour certains, c’est une aubaine. Des élèves dans des zones rurales comme à Dimbokro, Danané et Tiebissou en manque d’encadrement scolaire y voient un levier pour mieux se préparer aux examens. D’autres y trouvent un moyen discret de se passer des cahiers et du soutien scolaire classique. Les centres de formation, eux, commencent à intégrer ces outils dans leurs programmes. On parle même de simulateurs d’épreuves pilotés par l’IA, capables de générer des séries d’exercices personnalisés, corrigés instantanément.

Mais derrière cette nouvelle donne éducative se cache une ligne floue, que beaucoup franchissent sans complexe. Car si ces IA peuvent aider à apprendre, elles peuvent aussi servir à tricher — et elles le font bien.

Tricher 2.0 : la fin des méthodes de triches artisanales

Oubliez les bouts de papier pliés dans les chaussettes ou les écouteurs dissimulés sous les mèches de cheveux. Aujourd’hui, la fraude scolaire en Côte d’Ivoire prend des allures de startup. Il suffit d’un smartphone, d’une connexion internet et d’un minimum de maîtrise des IA pour contourner tout un système de surveillance. Depuis l’an dernier, on voit apparaitre une curieuse et avant-gardiste méthodes pour frauder lors des examens. Des candidats au BEPC ou au BAC, parfois épaulés par des “petits génies” du numérique, utilisent discrètement leur téléphone pour envoyer les sujets d’examen vers une IA. Trente secondes plus tard, les réponses arrivent, prêtes à être recopiées. Simple, rapide, sans intermédiaire.

Des témoignages recueillis dans un établissement de la commune d’Anyama en marge des épreuves blanches révèlent un mode opératoire déjà bien rodé. Certaines équipes se forment à l’avance : un candidat à l’intérieur, un “technicien” dehors avec accès aux outils, une communication codée pour le transfert des données. Et grâce aux nouvelles capacités des IA, les réponses générées sont rarement identiques, évitant ainsi les fameuses copies conformes qui trahissaient les fraudeurs d’hier.

Ce glissement vers une fraude assistée par algorithme n’épargne pas les concours d’entrée dans l’administration publique. Des candidats affirment avoir “entraîné” une IA sur des bases de données de QCM des années précédentes, obtenant des modèles de réponses quasi infaillibles. Le tout sans éveiller les soupçons d’un seul surveillant.

Devoirs, compositions, oraux : l’école aussi sous pression

Le phénomène ne se limite pas aux examens de fin d’année. Dès les premières évaluations continues, certains élèves intègrent déjà l’IA dans leur routine scolaire. Devoirs à la maison, dissertations, exposés : tout peut être généré en quelques clics, avec une qualité qui dépasse parfois celle attendue à leur niveau. Des enseignants rapportent des copies “trop parfaites pour être honnêtes”, avec des structures complexes, des exemples inédits, et des raisonnements qui ne collent pas toujours à l’élève.

Les compositions mensuelles deviennent ainsi des épreuves à double tranchant. Certains établissements ont commencé à imposer des exercices sur table avec interdiction formelle de l(usage du téléphone portable . Mais face à des classes entières déjà rompues à l’usage de Gemini ou de GPT, la surveillance devient un jeu d’équilibriste. Dans certaines Universités privées d’Abidjan, des enseignants vont jusqu’à désactiver le Wi-Fi pendant les évaluations ou à interdire tout appareil électronique dans les salles.

Les oraux ne sont pas épargnés. Des élèves apprennent par cœur des discours rédigés par IA, sans en comprendre le fond. L’apparence de compétence prime sur la maîtrise réelle, ce qui fragilise toute l’évaluation par compétence. À terme, c’est la valeur même des diplômes qui risque de s’éroder, si rien n’est fait pour encadrer cette évolution.

Des autorités dépassées face à l’IA : l’urgence d’un encadrement

Si l’on observe la situation en Côte d’Ivoire, on ne peut que constater l’incapacité du système éducatif à anticiper les dérives liées à l’intelligence artificielle. En l’absence d’une régulation spécifique et d’une formation adéquate pour les enseignants et les surveillants, la fraude assistée par IA est bien parti pour devenir une véritable échappatoire pour de nombreux candidats. Les dispositifs de surveillance traditionnels, tels que les contrôles de téléphones ou les vérifications des papiers, ne suffisent plus à contrer cette nouvelle forme de triche.

Le Ministère de l’Éducation nationale et de l’alphabétisation, bien qu’il ait commencé à s’intéresser à la question, se trouve encore dans l’ombre des avancées technologiques. Des réunions ont été organisées en 2024 pour discuter de l’impact des nouvelles technologies sur l’éducation, mais les solutions concrètes tardent à venir. Des propositions d’intégration de l’IA dans les méthodes d’enseignement existent, mais elles sont souvent trop axées sur des perspectives optimistes, négligeant la question centrale de la fraude.

Dans les salles d’examen, le manque de formation spécialisée pour les surveillants laisse une porte ouverte à la triche. L’idée de développer des outils spécifiques de détection de l’utilisation de l’IA commence à faire son chemin, mais les coûts et l’adaptation à un système déjà sous pression représentent un véritable défi.

Repenser l’éducation face à l’IA : des solutions à explorer

L’intelligence artificielle, loin d’être uniquement un problème, peut aussi devenir un allié si l’on parvient à l’intégrer de manière réfléchie dans le système éducatif. Pour cela, plusieurs pistes méritent d’être explorées.

Tout d’abord, une refonte du système de surveillance s’impose. Il ne s’agit pas seulement de multiplier les interdictions ou de renforcer les contrôles classiques, mais de former les surveillants à détecter l’utilisation d’outils numériques non autorisés. Des détecteurs de connexion à internet, des logiciels capables de repérer des anomalies dans les copies ou même des formations régulières sur l’utilisation des IA pour les enseignants peuvent être des solutions envisageables.

Ensuite, l’usage de l’IA en classe pourrait être réinventé. Plutôt que de chercher à l’éradiquer, il serait judicieux de l’introduire comme un outil pédagogique au service de l’élève, tout en sensibilisant les élèves aux enjeux de l’intégrité académique. Pourquoi ne pas envisager des épreuves interactives, utilisant l’IA pour générer des questions en temps réel et évaluer la capacité de réflexion et d’adaptation des candidats ?

Enfin, une évolution plus profonde du système éducatif pourrait permettre de mieux répondre aux défis posés par la fraude. L’accent devrait être mis sur des formes d’évaluations plus authentiques, comme des travaux pratiques, des projets collectifs ou des examens en conditions réelles. Ces formats rendent la fraude plus difficile, tout en valorisant des compétences essentielles pour l’avenir des élèves.

Repenser l’éducation face à l’IA : des solutions à explorer

L’intelligence artificielle, loin d’être uniquement un problème, peut aussi devenir un allié si l’on parvient à l’intégrer de manière réfléchie dans le système éducatif. Pour cela, plusieurs pistes méritent d’être explorées.

Tout d’abord, une refonte du système de surveillance s’impose. Il ne s’agit pas seulement de multiplier les interdictions ou de renforcer les contrôles classiques, mais de former les surveillants à détecter l’utilisation d’outils numériques non autorisés. Des détecteurs de connexion à internet, des logiciels capables de repérer des anomalies dans les copies ou même des formations régulières sur l’utilisation des IA pour les enseignants peuvent être des solutions envisageables.

Ensuite, l’usage de l’IA en classe pourrait être réinventé. Plutôt que de chercher à l’éradiquer, il serait judicieux de l’introduire comme un outil pédagogique au service de l’élève, tout en sensibilisant les élèves aux enjeux de l’intégrité académique. Pourquoi ne pas envisager des épreuves interactives, utilisant l’IA pour générer des questions en temps réel et évaluer la capacité de réflexion et d’adaptation des candidats ?

Enfin, une évolution plus profonde du système éducatif pourrait permettre de mieux répondre aux défis posés par la fraude. L’accent devrait être mis sur des formes d’évaluations plus authentiques, comme des travaux pratiques, des projets collectifs ou des examens en conditions réelles. Ces formats rendent la fraude plus difficile, tout en valorisant des compétences essentielles pour l’avenir des élèves.

Une nouvelle ère pour l’éducation : le temps d’agir

L’essor de l’intelligence artificielle dans le système éducatif ivoirien présente des opportunités indéniables, mais aussi des défis de taille. Si l’IA peut enrichir les méthodes d’apprentissage, elle devient aussi un terrain de jeu pour les fraudeurs. À trois mois des examens nationaux, il est évident que le système éducatif doit se réinventer pour ne pas se faire dépasser par cette révolution numérique.

Les autorités doivent prendre des mesures urgentes pour adapter la surveillance des examens et la formation des enseignants aux nouvelles réalités technologiques. Parallèlement, l’intégration réfléchie de l’IA dans le cadre pédagogique pourrait transformer le paysage scolaire, mais à condition de veiller à la préservation de l’intégrité académique. Il est grand temps de redéfinir les critères d’évaluation et de renforcer la vigilance. L’avenir de l’éducation ivoirienne, dans un monde où la technologie ne cesse de progresser, dépend de la capacité à anticiper et à s’adapter à cette nouvelle donne.

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