Sacem : pourquoi cette taxe sur la musique aux enterrements fait polémique ?

Un accord entre la Sacem et les Fédérations des pompes funèbres vient d’entériner une taxe de 1 à 5 € sur les musiques diffusées lors des enterrements. Alors qu’un quart des cérémonies funéraires incluent des chansons, cette mesure soulève des questions sur son équité, sa transparence et son impact sur les familles endeuillées.
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Une taxe inédite, des questions en suspens
D’après Le Figaro et les Fédérations des pompes funèbres (FNF), la Sacem récoltera entre 700 000 et 800 000 € par an grâce à cette redevance. Les familles devront payer 5 € si elles choisissent une musique lors des obsèques, ou 1 € si le coût est réparti sur toutes les cérémonies. Un système critiqué pour son manque de précision : les œuvres réellement jouées ne sont pas tracées individuellement. Les droits seront redistribués « de manière indifférenciée » aux artistes, selon la Sacem.
Stéphane Vasseur, directeur régional de la Sacem, justifie cette approche : « Tout déclarer précisément est impossible. Les changements de dernière minute sont fréquents ». Pourtant, cette opacité laisse planer un doute : Goldman, Céline Dion ou Michel Berger toucheront-ils des droits sans que leurs titres ne soient réellement diffusés ?
Jean-Jacques Goldman, Céline Dion… Les stars des adieux
D’après un classement de France Bleu et de la coopérative Le Choix funéraire, les chansons les plus plébiscitées lors des obsèques sont Puisque tu pars (Goldman), Le Paradis blanc (Michel Berger) et Si j’avais su (Claudio Capéo). Des morceaux choisis pour leur charge émotionnelle, mais dont l’utilisation réelle reste difficile à quantifier.

La Sacem s’appuie sur un forfait basé sur 25 % des décès annuels, estimant qu’une cérémonie sur quatre inclut de la musique. Un calcul approximatif, mais jugé « réaliste » par la FNF. Résultat : les artistes reçoivent des droits sans garantie que leurs œuvres aient été utilisées. Un flou qui alimente les critiques sur la justesse du modèle.
Les familles face à un dilemme financier
Avec un coût moyen des obsèques avoisinant les 4 000 € en France, cette taxe de 1 à 5 € pourrait sembler anecdotique. Pourtant, elle intervient dans un contexte où 40 % des Français jugent déjà les funérailles trop chères, selon une étude de l’UFC-Que Choisir.
- Un choix cornélien : Certaines familles renoncent à des musiques personnalisées par souci d’économie.
- Un manque de transparence : Les pompes funèbres ne sont pas tenues de détailler cette taxe dans leurs devis.
« C’est un manque de respect envers les proches », dénonce Marie Dupont, présidente d’une association de consommateurs. « Ajouter des frais cachés dans un moment aussi douloureux est inacceptable. »
La Sacem en terrain miné
La Société des auteurs défend un modèle de redistribution « équitable », mais son approche est régulièrement contestée. En 2022, elle a reversé 1,07 milliard d’euros de droits, mais des artistes indépendants dénoncent des inégalités. « Les gros noms captent l’essentiel, même quand leurs titres ne sont pas diffusés », explique Julien Roux, compositeur.

La taxe funéraire cristallise ces tensions. Pourquoi Jean-Jacques Goldman, absent des scènes depuis des années, bénéficierait-il systématiquement de ces droits ? La Sacem argue de sa popularité « intemporelle », sans fournir de données précises.
Vers un modèle plus transparent ?
Face aux critiques, la Sacem évoque des « améliorations futures », comme l’intégration de relevés de playlists. Mais aujourd’hui, moins de 5 % des pompes funèbres envoient ces données. « C’est marginal », concède Stéphane Vasseur.
Des alternatives existent pourtant. En Allemagne, les sociétés d’auteurs utilisent des sondages annuels pour estimer les œuvres jouées. Au Canada, un système de déclaration en ligne obligatoire pour les prestataires funéraires a réduit les litiges de 30 %. La France pourrait s’en inspirer, mais la Sacem reste prudente : « Cela demanderait des investissements lourds ».
Conclusion
Cette taxe sur la musique funèbre n’est pas qu’une question de euros. Elle interroge notre rapport à la mort, à l’art et à l’équité. Entre opacité et émotion, la Sacem et les pompes funèbres marchent sur un fil. Les familles, elles, attendent une chose : que leurs adieux ne soient pas réduits à une ligne comptable.
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