Société

Affaire Khady Touré/Adjoumani : Comment la Côte d’Ivoire peut-elle traquer Johnny Patcheco en Finlande ?

L’accusation lancée par Chris-Yvon Koukougnon, alias Johnny Patcheco, envers le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani et l’animatrice Khady Touré a mis le feu aux poudres. En février 2025,Johnny Patcheco a affirmé qu’Adjoumani avait offert une Range Rover de 156 000 euros à Touré avec des fonds publics, déclenchant une tempête médiatique. Mais au-delà du scandale, cette affaire pose une question juridique complexe : comment la Côte d’Ivoire peut-elle poursuivre un individu résidant en Finlande pour des faits présumés de diffamation ?

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Résumé des faits

L’affaire débute avec une vidéo virale où Johnny Patcheco, connu pour ses diatribes sur les réseaux sociaux, accuse le ministre Adjoumani d’avoir détourné des fonds pour offrir un luxueux véhicule à Khady Touré. L’animatrice dément catégoriquement et porte plainte pour diffamation. Le ministre, lui, se réserve le droit de donner une suite judiciaire. Mais Patcheco, réfugié en Finlande, semble hors d’atteinte.

Khady Touré : une plainte ivoirienne face aux obstacles européens

En Côte d’Ivoire, Khady Touré peut s’appuyer sur deux textes : l’article 184 du Code pénal, qui punit la diffamation, et la loi n°2013-451 sur la cybercriminalité, qui réprime le cyberharcèlement. Elle a d’ailleurs déposé plainte à la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC) le 5 février 2025. Cependant, la situation se complique dès lors qu’il s’agit de poursuivre Patcheco en Finlande.

Le droit international offre des outils, comme la Convention européenne d’entraide judiciaire (1959), ratifiée par les deux pays. Cela permettrait à la justice ivoirienne d’envoyer une commission rogatoire en Finlande, demandant aux autorités locales d’interroger Patcheco. Mais encore faut-il que la justice finlandaise accepte de coopérer.

Autre obstacle : l’exécution d’un éventuel jugement ivoirien en Finlande. Le règlement européen 2018/1805 facilite la reconnaissance mutuelle des jugements au sein de l’UE, mais exige une double incrimination : il faut que les faits reprochés soient également punissables en Finlande. Or, le délit de diffamation peut être interprété différemment selon les législations.

Le Ministre Adjoumani et l’État ivoirien : l’option de l’extradition

Pour le ministre Adjoumani, la situation est légèrement différente, car il peut invoquer sa qualité d’agent public. Une plainte pour diffamation contre un agent public est plus sévèrement punie (article 179 du Code pénal). L’État ivoirien pourrait même demander l’extradition de Patcheco, en s’appuyant sur l’accord bilatéral de 1974.

Mais là encore, les obstacles sont nombreux. La Finlande, comme beaucoup de pays européens, est réticente à extrader ses résidents, surtout s’ils sont intégrés et ne représentent pas une menace. De plus, la loi finlandaise sur les extraditions (art. 6) pose le principe de non-extradition des ressortissants de l’UE. Patcheco, marié à une Finlandaise, pourrait se prévaloir de ce statut.

Autre écueil : la nécessité de fournir des preuves matérielles solides. La Finlande n’extradera pas quelqu’un sur la base de simples allégations. Il faudrait démontrer de manière irréfutable que Patcheco a sciemment diffusé de fausses informations dans le but de nuire.

Autres pistes : Interpol et gel des avoirs

Si l’extradition s’avère impossible, d’autres options existent. La Côte d’Ivoire pourrait émettre un mandat d’arrêt international via Interpol (notice rouge), ce qui compliquerait les déplacements de Patcheco à l’étranger. Elle pourrait aussi demander le gel de ses avoirs, en s’appuyant sur la Convention des Nations unies contre la corruption (UNCAC).

Cependant, ces procédures sont longues et complexes, et leur succès n’est pas garanti. Elles nécessitent une coopération étroite entre les justices ivoirienne et finlandaise, ainsi qu’une volonté politique forte.

Le cas Johnny Pacheco : entre Réactions et enjeux

L’affaire a suscité de vives réactions en Côte d’Ivoire. La PLCC a promis un « traitement prioritaire » du dossier. L’Alliance de la Jeunesse Ivoirienne (AJI), pro-RHDP, a menacé Patcheco de « réponse musclée ». Sur les réseaux sociaux, un hashtag #JusticePourKhady a émergé, témoignant du soutien dont bénéficie l’animatrice.

Au-delà du cas particulier, cette affaire soulève des questions plus larges sur la liberté d’expression et la responsabilité des influenceurs sur les réseaux sociaux. Elle met également en lumière les difficultés de la justice à appréhender les délits commis en ligne, surtout lorsque les auteurs se trouvent à l’étranger.

Ainsi, si la Côte d’Ivoire dispose d’outils juridiques pour poursuivre Johnny Patcheco, leur mise en œuvre s’annonce complexe et incertaine. L’issue de cette affaire dépendra de la coopération internationale, de la solidité des preuves et de la volonté politique des États concernés. Elle pourrait aussi servir de jurisprudence pour de futurs cas similaires, à l’heure où les frontières numériques s’estompent et où les justiciables se jouent des juridictions nationales.

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