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Côte d’Ivoire : la plus vieille présence humaine en forêt tropicale découverte à Anyama

Dans le quartier d’Anyama, à la périphérie d’Abidjan, des vestiges archéologiques bouleversent notre vision des premiers Homo sapiens. Une étude publiée dans Nature révèle que l’occupation humaine dans cette région remonte à 150 000 ans. Cette découverte, fondée sur l’analyse d’outils en pierre retrouvés sous plusieurs mètres de terre, remet en cause l’idée que les forêts tropicales étaient des zones inhospitalières pour les premiers humains.

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Un site découvert il y a plus de 40 ans

Ce n’est pas la première fois qu’Anyama attire l’attention des archéologues. En 1982, François Guédé Yiodé, un spécialiste ivoirien, entame des fouilles après avoir été alerté par un géologue. Sur le terrain d’un particulier, il met au jour des outils façonnés dans du silex, du quartz et d’autres roches. Ces artefacts, caractéristiques des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, indiquent une occupation humaine bien plus ancienne qu’on ne le pensait jusque-là.

Pendant des décennies, ces vestiges ont été conservés chez lui, faute d’un lieu adapté pour les exposer. « Je ne suis pas à l’aise que tout ça soit à la maison », confie-t-il aujourd’hui, espérant qu’un musée pourra bientôt les accueillir.

En outre, les recherches menées par une équipe internationale, dirigée par le Max Planck Institute of Geoanthropology, ont montré que ces premiers habitants étaient bien plus que de simples chasseurs-cueilleurs. Ils avaient une connaissance approfondie de leur environnement, ce qui leur a permis de s’épanouir dans un milieu aussi riche que celui des forêts tropicales.

Une remise en question des idées reçues

L’étude publiée dans Nature apporte une nouvelle lecture de ces découvertes. En analysant les pollens fossiles et les cires de feuilles prélevés sur le site, les chercheurs confirment qu’Anyama était autrefois recouvert d’une forêt dense. Jusqu’ici, il était admis que les premiers Homo sapiens privilégiaient les savanes et zones ouvertes pour s’établir. Ces résultats remettent en question cette hypothèse.

« Les forêts africaines n’étaient pas une barrière écologique majeure pour l’Homo sapiens il y a 150 000 ans », affirment les scientifiques. Cela signifie que nos ancêtres possédaient une capacité d’adaptation bien plus étendue que prévu.

Des outils révélateurs d’un mode de vie nomade

Les objets mis au jour à Anyama témoignent d’un savoir-faire technique avancé. Parmi eux, des choppers, outils tranchants utilisés pour découper la peau et la viande des animaux, et des pics en pierre, probablement destinés à briser des matériaux plus durs. Ces instruments, taillés dans des roches locales, sont similaires à ceux retrouvés dans d’autres régions du continent datant de la même période.

L’absence de restes humains sur le site n’empêche pas les chercheurs de tirer des conclusions sur la vie de ces populations. Tout porte à croire qu’il s’agissait de groupes nomades se déplaçant en fonction des ressources disponibles.

Un patrimoine menacé par l’urbanisation

Ces découvertes interviennent alors que la forêt ivoirienne ne cesse de reculer. À Abidjan, il ne reste aujourd’hui que 3 500 hectares de forêt tropicale, concentrés dans le parc national du Banco. L’extension urbaine grignote progressivement ces espaces, menaçant à la fois la biodiversité et les sites archéologiques encore enfouis sous le sol.

Cette situation soulève des questions sur la conservation du patrimoine préhistorique en Côte d’Ivoire. Pour François Guédé Yiodé, il devient urgent de préserver ces vestiges, non seulement pour la recherche scientifique, mais aussi pour les générations futures.

Un long combat pour faire reconnaître l’histoire locale

Le travail de François Guédé Yiodé illustre les difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux archéologues africains. Faute de financements et de soutien institutionnel, certains projets mettent des décennies à aboutir. L’archéologue parle d’une « science lente », avançant malgré les obstacles.

La reconnaissance internationale de cette découverte pourrait changer la donne. « Cette étude doit convaincre les gens de ne plus émettre de doutes sur l’existence précoce de l’homme en terre africaine », affirme-t-il.

Un projet de centre archéologique en discussion

Face à l’importance des découvertes d’Anyama, des discussions sont en cours pour la création d’un centre d’expertise en Côte d’Ivoire. Celui-ci pourrait inclure des formations post-doctorales et un musée dédié aux vestiges préhistoriques du pays.

L’Université Félix Houphouët-Boigny est impliquée dans cette initiative, aux côtés de chercheurs internationaux. L’objectif est d’assurer la conservation des sites, d’approfondir les recherches et d’intégrer ces connaissances dans l’enseignement.

Un pan de l’histoire humaine à préserver

L’étude d’Anyama marque une avancée pour la compréhension des premiers Homo sapiens en Afrique de l’Ouest. Elle prouve que ces populations ont su s’adapter à des environnements variés, y compris des forêts tropicales denses.

Côte d’Ivoire _ la plus vieille présence humaine en forêt tropicale découverte à Anyama
Côte d’Ivoire _ la plus vieille présence humaine en forêt tropicale découverte à Anyama

Avec l’urbanisation croissante et la pression sur les forêts, cette découverte rappelle l’importance de préserver le patrimoine archéologique ivoirien. Pour François Guédé Yiodé et d’autres chercheurs, l’enjeu est désormais de transformer cette prise de conscience en actions concrètes.

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