Démantèlement d’un réseau de passeurs de migrants entre l’Espagne et la France

Un réseau de passeurs, accusé d’avoir facilité le transit de plus de 1 700 migrants par les Pyrénées, a été démantelé cette semaine après une opération conjointe des forces de l’ordre françaises et espagnoles. Quinze individus sont aujourd’hui dans le collimateur de la justice, selon les déclarations du parquet de Marseille vendredi. Les enquêteurs évoquent des méthodes comparables à celles du trafic de stupéfiants, mais avec une « marchandise » bien différente : des personnes en situation de vulnérabilité.
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Un système rodé, une logistique minutieuse
Les investigations, menées par l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM), ont révélé un dispositif structuré en trois branches distinctes : une basée en Catalogne, une autre à Perpignan et une dernière à Marseille. Selon la commissaire Laurène Capelle, cheffe du Service interdépartemental de la police aux frontières, le réseau employait des « voitures ouvreuses » chargées de repérer les contrôles policiers, des passeurs accompagnant les migrants à travers les montagnes, et des logeurs, dont un hôtelier de Perpignan.

Les migrants, principalement originaires d’Algérie et d’Afrique subsaharienne, étaient pris en charge près de la frontière espagnole avant d’être acheminés vers la gare de Perpignan. Certains poursuivaient ensuite leur route vers d’autres régions françaises ou l’Allemagne. Le tarif du passage variait entre 150 et 300 euros par personne, un montant jugé modeste au regard des risques encourus.
570 voyages recensés, des profits sous-estimés
En un peu plus d’un an, les autorités ont identifié au moins 570 traversées en voiture, totalisant 1 700 migrants. « La concurrence entre réseaux est féroce, ce qui explique des prix relativement bas », a souligné Nicolas Bessone, procureur de Marseille, lors d’une conférence de presse. Si les sommes perçues par voyage restent limitées, l’ampleur des passages suggère des revenus globaux conséquents.

Dimanche dernier, une opération d’envergure a mobilisé 70 policiers et gendarmes des deux côtés des Pyrénées. Cinq suspects, de nationalités algérienne et marocaine, ont été interpellés en Espagne et doivent être transférés en France dans les dix jours. Quatre autres ont été arrêtés à Perpignan, tandis que six Marseillais, dont trois membres d’une même famille, ont déjà été mis en examen. Trois d’entre eux sont en détention provisoire.
Une mécanique proche du trafic de drogue
Le parallèle avec le narcotrafic n’est pas anodin. « L’organisation hiérarchisée, la surveillance des routes, la répartition des tâches… Tout rappelle les méthodes des trafiquants de cannabis, sauf qu’ici, il s’agit de vies humaines », a insisté le procureur Bessone. Les migrants, souvent sans papiers, dépendaient entièrement de ces réseaux pour poursuivre leur parcours, les exposant à des conditions parfois périlleuses.
Les autorités européennes estiment que 90 % des migrants entrant sur le continent ont recours à des passeurs, générant des profits illégaux se chiffrant en milliards d’euros annuels. Ce démantèlement, bien que significatif, ne résout qu’une partie du problème. « D’autres réseaux existent, adaptatifs et résilients », a rappelé Laurène Capelle.
Un coup de filet rare par son exhaustivité
Ce qui distingue cette opération, selon les forces de l’ordre, est la neutralisation complète de la chaîne — des rabatteurs aux hébergeurs. « Il est inhabituel de démanteler l’intégralité des maillons, y compris les logeurs », a expliqué la commissaire. L’hôtelier perpignanais mis en cause aurait offert aux migrants une halte discrète avant leur dispersion vers d’autres destinations.

Les enquêteurs ont croisé des données téléphoniques, des témoignages et des filatures pour remonter la piste. Les interceptions ont notamment révélé des discussions sur les horaires de passage, les itinéraires alternatifs et les paiements, souvent effectués via des transferts informels.
Des défis persistants pour freiner le réseau de passeurs de migrants
Si cette opération marque un succès pour les autorités, elle soulève aussi des questions sur l’efficacité des politiques migratoires européennes. Les Pyrénées, moins médiatisées que la Méditerranée, deviennent une voie de contournement pour les réseaux, profitant d’une surveillance moins dense que sur les côtes.
Les migrants interceptés lors de l’enquête ont été orientés vers des structures d’accueil, mais leur statut juridique reste incertain. La plupart refusent de coopérer par crainte de représailles ou d’expulsion, compliquant le travail des enquêteurs.