ActualitésPolitique

Amara Essy trouvé mort à son domicile : la diplomatie ivoirienne perd un de ses artisans


Cocody (Abidjan) – Amara Essy, ancien ministre des Affaires étrangères et figure historique de la politique ivoirienne, a été retrouvé sans vie à son domicile de Cocody Deux-Plateaux dans la nuit du 8 avril 2025. Âgé de 80 ans, l’homme qui incarna pendant des décennies la diplomatie du pays sous Félix Houphouët-Boigny s’est éteint alors que son parti, le PDCI-RDA, traverse une période de tensions internes. Les autorités n’ont pas encore communiqué sur les causes du décès.

A lire aussi :Bourse des étudiants en attente : la révolte gronde dans les campus

Une disparition soudaine

C’est un appel aux alentours de 2 heures du matin qui a alerté les forces de l’ordre. Holland N’Da Gnanzou, un proche, a signalé le décès de l’ancien ministre. Sur place, les équipes policières et un médecin urgentiste ont confirmé la mort de l’octogénaire. Les services de police scientifique ont procédé aux constatations d’usage, sans détailler les circonstances exactes de la tragédie.

Amara Essy résidait dans le quartier huppé de Saint-Jacques, à Cocody. Aucun signe d’effraction ni de violence n’a été relevé, selon le rapport préliminaire. Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons de cette mort subite, alors que l’homme, bien que retiré de la vie publique, restait actif au sein du PDCI-RDA.

Du PDCI à l’ONU : un parcours sans faute

Né en 1944 à Bouaké, Amara Essy a marqué l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Diplômé de l’université Carnegie aux États-Unis, il intègre le gouvernement en 1990 comme ministre des Affaires étrangères, poste qu’il occupera pendant neuf ans. Son influence dépasse rapidement les frontières ivoiriennes : en 1994, il préside la 49ᵉ Assemblée générale des Nations unies, devenant l’un des rares Africains à accéder à cette fonction.

En 2001, il prend la tête de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qu’il contribue à transformer en Union africaine (UA) l’année suivante. « Son travail a permis de structurer des mécanismes de dialogue entre États membres, même pendant les crises », souligne un ancien collaborateur de l’UA sous couvert d’anonymat.

Un vide politique pour le PDCI-RDA

La disparition d’Amara Essy survient à un moment délicat pour son parti. Le PDCI-RDA, pilier de la scène politique depuis l’indépendance, fait face à des divisions internes, notamment sur le choix de la présidence de son parti tiraillé en Jean Louis Billon et Tidiane Thiam et ligne à adopter face au pouvoir actuel. Plusieurs cadres, dont des figures comme Guikahué ou Edjampan, espéraient encore le voir jouer un rôle de médiateur.

« Sa voix comptait. Il faisait partie de ceux qui pouvaient apaiser les tensions sans trahir l’héritage d’Houphouët », confie un membre du bureau politique du parti. En 2015, Essy avait tenté de briguer la présidence, sans succès. Depuis, il se concentrait sur des missions discrètes, entre conseils aux jeunes diplomates et interventions ponctuelles dans les médias.

Hommages et interrogations

À Abidjan comme à l’étranger, les réactions se multiplient. Le président ivoirien Alassane Ouattara a salué « un serviteur de la nation dont le travail a renforcé le prestige international du pays ». Du côté de l’ONU, un communiqué évoque « un artisan infatigable du multilatéralisme ».

Mais au-delà des hommages, des questions persistent. Pourquoi ce décès intervient-il maintenant, alors que le PDCI-RDA cherche à se réinventer ? Certains militants évoquent, sans preuve, des pressions politiques, tandis que d’autres redoutent une naturalité trop abrupte pour un homme décrit comme « vigilant » par son entourage.*

L’héritage d’un discret négociateur

Amara Essy laisse derrière lui une diplomatie ivoirienne souvent décrite comme pragmatique. Sous sa direction, le pays a renforcé ses alliances avec les puissances occidentales tout en maintenant des liens étroits avec ses voisins africains. « Il savait défendre les intérêts ivoiriens sans provoquer de rupture, même pendant les années de crise », analyse un ambassadeur en poste à Genève.

Son approche conciliante a parfois été critiquée, notamment lors de la transition de l’OUA vers l’UA, où certains lui reprochent d’avoir cédé trop de terrain aux grandes puissances. Mais ses partisans rappellent qu’il a permis à l’organisation de survivre dans un contexte financier tendu.

Dernier chapitre

Les obsèques d’Amara Essy n’ont pas encore été annoncées. Sa famille, jointe par les autorités, demande du temps pour organiser des hommages dignes de son parcours. Une cérémonie officielle est envisagée à Yamoussoukro, ville natale d’Houphouët-Boigny, en présence de délégations étrangères.

Alors que la Côte d’Ivoire tourne une page de son histoire politique, une chose est sûre : Amara Essy restera dans les mémoires comme l’homme qui a su porter sa nation sur la scène mondiale, sans jamais oublier les couloirs feutrés du PDCI-RDA. Dans un pays où la politique se vit souvent en coulisses, son absence laisse un silence lourd de sens.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

S'il vous plaît envisager de nous soutenir en désactivant votre bloqueur de publicité