Le fondateur du groupe Malicorne, Gabriel Yacoub, s’est éteint le 22 janvier à l’âge de 72 ans, emporté par une longue maladie. Retour sur le parcours hors norme de ce pionnier, qui aura transformé la musique traditionnelle française en un véritable phénomène moderne.
Il était l’âme d’une révolution musicale à la française. Gabriel Yacoub, chanteur, compositeur et guitariste de talent, a su donner à la musique folk hexagonale une seconde jeunesse, à une époque où la culture anglo-saxonne dominait les scènes internationales. Sa disparition marque la fin d’une ère, mais son héritage demeure vivace. Dès ses premiers pas sur la scène musicale, il avait fait preuve d’une singularité rare, réconciliant habilement les racines profondes de la tradition musicale française avec les aspirations d’une génération avide de modernité et d’ouverture.
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Malicorne : l’éveil d’une scène oubliée
Dans les années 70, avec Marie Yacoub — sa compagne d’alors — et des musiciens comme Laurent Vercambe et Hughes de Courson, Gabriel Yacoub a fondé Malicorne, un groupe qui allait bousculer les codes. En mariant instruments électriques et musique traditionnelle française, ils réussirent à s’éloigner des clichés poussiéreux du folklore. Le groupe ne se contentait pas de revisiter des chants anciens : il les sublimait grâce à des arrangements novateurs, introduisant des sonorités parfois audacieuses pour l’époque. Les albums tels que Malicorne (1974) et L’Extraordinaire Tour de France d’Adélard Rousseau (1978) restent des jalons incontournables de cette période.
Avec des morceaux iconiques comme « Martin » ou « La Fille aux chansons », le groupe a conquis un public bien au-delà des frontières françaises, réconciliant tradition et modernité. Ces morceaux n’étaient pas seulement des hymnes nostalgiques : ils étaient porteurs d’un véritable souffle créatif, marqué par une profondeur musicale et poétique qui élevait le genre. Cette aventure musicale s’est également métamorphosée, intégrant des accents rock progressifs dans ses dernières années, reflétant une évolution artistique constante.
Une carrière solo riche et audacieuse
Après avoir quitté Malicorne en 1981, Gabriel Yacoub s’est tourné vers une carrière solo. Si son premier album Trad Arr est sorti en 1978, c’est en 1986 qu’il a dévoilé un projet plus éclectique avec Elementary Level of Faith. Cette période de sa vie artistique a montré un Gabriel Yacoub plus introspectif, explorant de nouvelles dimensions sonores. Les années suivantes ont été jalonnées de créations remarquables comme Bel (1990), Babel (1997) et De la nature des choses (2008).
Chacun de ses albums témoigne d’une recherche artistique incessante, d’une volonté de repousser les limites tout en restant fidèle à ses racines. Son opus Bel, par exemple, explore des thèmes aussi universels que l’amour et la mémoire, avec des arrangements d’une rare sophistication. Dans Babel, il s’attaque à des sujets plus complexes, tels que les dialogues entre cultures, tout en renouvelant son langage musical.
Dans les années 2010, il avait retrouvé Marie Sauvet pour relancer l’esprit de Malicorne avec de nouveaux musiciens. Ce retour sur scène, marqué par une tournée sous le nom « Gabriel et Marie de Malicorne », a permis à une nouvelle génération de découvrir l’univers riche et fascinant de ce duo légendaire. En 2017, leur ultime concert au Festival du chant marin de Paimpol avait réuni des générations de fans émus par ce retour aux sources, un moment d’une intensité rare.
Une influence qui perdure
Gabriel Yacoub a su créer un style unique, mêlant poésie et arrangements sophistiqués. Ses compositions, à la fois profondes et accessibles, ont influencé des artistes contemporains et ouvert une voie à ceux qui souhaitent moderniser le patrimoine culturel français. Si son départ laisse un vide immense, ses créations continuent de résonner comme une mélodie intemporelle dans le cœur de ses admirateurs. Son apport va bien au-delà de la musique : il incarne la capacité à se réinventer tout en restant fidèle à ses convictions.
En ces temps où la culture se mondialise à grande vitesse, le parcours de Gabriel Yacoub rappelle l’importance de valoriser les identités locales tout en s’ouvrant à l’innovation. Son œuvre est une invitation à découvrir les richesses insoupçonnées d’un patrimoine trop souvent oublié. Il reste, et restera, une étoile dans le firmament de la musique française.