Société

Grève nationale dans les mairies ivoiriennes : Les raisons de ce mouvement contestataire.

Abidjan, le 29 janvier 2025 – Depuis ce mercredi matin, les portes des mairies ivoiriennes restent closes. De Bonoua à Sikensi en passant par Dabou, un mouvement de grève national de 72 heures, lancé par la Coalition des Syndicats des Agents des Collectivités Territoriales, paralyse l’accès aux services administratifs essentiels. Derrière cette mobilisation sans précédent, des revendications salariales non satisfaites, des promesses étatiques oubliées et des milliers de citoyens contraints à l’attente.

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Un mouvement national aux racines anciennes

La colère des agents des mairies, districts autonomes et conseils régionaux ne date pas d’hier. Depuis deux ans, ces travailleurs réclament en vain le paiement d’avantages sociaux pourtant actés par l’État. Au cœur des tensions :

  • Le 13ème mois de 2024, jamais versé malgré des engagements répétés.
  • Des indemnités contributives de logement (60 000 FCFA/mois), promises pour compenser la crise du logement.
  • La prime ADO, équivalente à un tiers du salaire de base, censée soulager les foyers en janvier.
  • Une prime de transport gelée, alors que les prix des carburants flambent.

« Nous ne sommes pas des quémandeurs, mais des travailleurs qui exigeons le respect de nos droits », martèle Joachim Guédé, responsable syndical à Sikensi. Un discours partagé par la Coalition, qui dénonce un « mépris institutionnalisé » envers les agents territoriaux.

Fermetures totales : une stratégie syndicale assumée

Contrairement aux grèves sectorielles, cette mobilisation se distingue par son caractère radical : aucun service minimum n’est assuré. Les syndicats ont opté pour une fermeture totale des mairies, un choix destiné à maximiser la pression sur le gouvernement.

Sur le terrain, les conséquences sont immédiates. Les usagers ne peuvent plus obtenir d’extraits d’acte de naissance, de cartes d’identité ou de documents légaux. Des mariages et démarches administratives urgentes sont reportés sine die, tandis que les entreprises locales, dépendantes des autorisations municipales, redoutent des pertes économiques. « C’est un choix difficile, mais nécessaire pour se faire entendre », justifie un communiqué de la Coalition, appelant les agents à rester « sereins et unis » face aux « tentatives de diversion ».

La déclaration choc de la Coalition syndicale

Dans un texte publié la veille du mouvement, la Coalition a fixé le ton : aucune négociation partielle ne sera acceptée. Signée par son président, le Capitaine Ligne Dominique, et portée par le porte-parole Elie Azragnon, la déclaration syndicale est sans équivoque. Elle rejette tout « dialogue de sourds » avec l’État, exige le paiement intégral des arriérés et menace de prolonger le mouvement en l’absence d’accord. « Seule la satisfaction de nos revendications ouvrira la voie à une reprise », insiste le texte, qualifiant la grève de « combat pour la dignité ».

Usagers en colère face à fermeture des mairies ivoiriennes : « On paie les conséquences, pas les causes »

Si les syndicats défendent une lutte « juste », les citoyens dénoncent un double pénalise. À Sikensi, devant les grilles closes de la mairie, Marius Konan, père de famille, s’agace : « Mon fils doit partir étudier en France, mais sans extrait de naissance, il perd sa place. Pourquoi l’État et les syndicats ne trouvent-ils pas de solution sans nous prendre en otage ? »

Même constat à Dabou, où Aïcha Diabaté, gérante d’une PME, craint des retards de livraison : « Mes papiers pour un prêt bancaire sont bloqués. Chaque jour de grève coûte des millions à l’économie locale. »

L’État ivoirien sous pression : quelles réponses ?

Face à la grogne, le gouvernement ivoirien reste discret. Aucune déclaration officielle n’a été faite depuis le début du mouvement. Selon des sources proches du ministère de l’Intérieur, des « négociations en coulisses » seraient en cours.

Plusieurs scénarios sont sur la table. Un geste symbolique, comme le paiement partiel du 13ème mois, pourrait calmer les esprits. La création d’une commission mixte (État-syndicats) pour réévaluer les revendications est également évoquée. Enfin, le statu quo risquerait d’envenimer la crise. Pour l’analyste politique Dr. Fatou Coulibaly, « l’État est dos au mur. S’il cède, il craindra un effet boule de neige dans d’autres secteurs. S’il résiste, le mécontentement social pourrait exploser ».

Et maintenant ?

Alors que la grève doit prendre fin ce vendredi 31 janvier, l’incertitude demeure. Les syndicats menacent de durcir le mouvement en cas de statu quo, tandis que les usagers espèrent une trêve sociale.

Cette crise relance le débat sur l’autonomie financière des collectivités locales, souvent dépendantes des transferts de l’État. Un sujet qui dépasse les frontières ivoiriennes, alors que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest font face à des tensions similaires.

La réponse des autorités dans les prochaines 48 heures déterminera l’issue de cette mobilisation, entre apaisement et escalade.

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