La menace se précise. Réunie en sommet ce jeudi 10 août à Abuja, capitale du Nigéria, le déploiement « de la force en attente de la CEDEAO » a été ordonné pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, sans préciser dans l’immédiat la forme et le rôle de ce dispositif. Une première étape avant une éventuelle intervention militaire, alors que l’ultimatum lancé par l’organisation aux putschistes, qui se sont emparés du pouvoir le 26 juillet dernier, est arrivé à son terme dans la nuit de dimanche à lundi.
Elle pourrait, selon le président ivoirien Alassane Ouattara, être déployée au Niger « dans les plus brefs délais » afin d’y réinstaurer « l’ordre constitutionnel ».
Mais, concrètement, qu’est-ce que la force en attente de la CEDEAO, dont la mobilisation a été annoncée, ce jeudi 10 août ? Éléments de réponse.
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La force en attente de la CEDEAO, une force armée transnationale
« La force en attente de la CEDEAO » est l’héritière de l’Ecomog. Ce groupe militaire d’interposition est né en 1990 de la volonté de l’organisation de faire respecter les cessez-le-feu dans la région de l’Afrique de l’Ouest, notamment au Libéria, en proie à cette époque à la guerre civile. À l’instar des casques bleus de l’ONU – ses soldats sont d’ailleurs surnommés « casques blancs » – son existence est alors avant tout vouée au maintien de la paix et la force compte jusqu’à 20 000 hommes.
Ses troupes sont composées d’hommes issus des pays membres de l’organisation (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo).
C’est en 2004 que l’Ecomog devient « la force en attente de la CEDEAO ». Toujours transnationale – son bras armé est composé des brigades nationales des pays membres – elle ne compterait à ce jour qu’environ 2 500 hommes. Composée de policiers, de militaires et de civils, son déploiement peut être décidé par le Conseil de médiation et de sécurité de la CEDEAO, notamment pour renforcer la sécurité intérieure des États membres. Mais ses moyens restent limités et ses effectifs peu nombreux.
De nombreuses interventions au fil des années
Le déploiement de cette force armée ne serait pas une première dans l’histoire de l’organisation. Elle est en effet intervenue à plusieurs reprises depuis le début des années 1990. D’abord au Libéria au cours de la première guerre civile qui a secoué le pays. Encore dénommé Ecomog, elle parvient à y rétablir la paix en 1997, après huit ans de conflit. Les soldats de la CEDEAO y seront une nouvelle fois envoyés en 2003, après une rébellion.
La force d’environ 2 000 hommes
Cette force est l’héritière de l’Ecomog, la force d’intervention de la CEDEAO créée en 1990 pour intervenir au Liberia, un pays alors en proie à une guerre civile. La force d’attente de la CEDEAO (FAC), qui ne prendra ce nom qu’en 2004, est composée de soldats, de policiers et de civils issus des pays de l’organisation (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo).
Bien que cantonnés dans leur pays d’origine, ces hommes sont mobilisables à tout moment sur des théâtres extérieurs. Son état-major se réunit à Abuja, au Nigeria, la principale puissance de la CEDEAO. Initialement, cette force devait potentiellement être en capacité de mobiliser 6 500 hommes. Mais, en réalité, les effectifs de la la force en attente de la CEDEAO sont moins importants et se situeraient aujourd’hui autour de 2 000 hommes.
Rétablissement de la paix, soutien aux opérations humanitaires…
Les missions pour lesquelles la la force en attente de la CEDEAO peut être mobilisée incluent principalement le rétablissement ou la consolidation de la paix dans un pays membre et le soutien à des opérations humanitaires. L’application de sanctions (y compris des embargos), les opérations de désarmement voire des activités de police et de lutte contre la criminalité font aussi partie de ses potentielles prérogatives.
Les forces de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest sont également intervenues à plusieurs reprises en Sierra-Leone et en Guinée-Bissau au cours des années 1990, puis 2000. Si elles n’ont pas été déployées lors du récent coup d’État au Mali ni au Burkina Faso, elles y ont été envoyées à Bamako en 2013 pour combattre les djihadistes d’Al-Qaïda. Plus récemment, en 2017, la « force en attente » de la CEDEAO est intervenue en Gambie avant de se retirer.
La force en attente de la CEDEAO devrait désormais être déployée au Niger, les chefs d’État ouest-africains ayant finalement donné leur feu vert pour qu’une opération militaire « démarre dans les plus brefs délais » afin de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger, a affirmé le président ivoirien Alassane Ouattara. Ce dernier a également indiqué que la Côte d’Ivoire fournirait « un bataillon » de 850 à 1100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment, et que « d’autres pays » les rejoindront.
Sierra Leone, Mali, Gambie…
La la force en attente de la CEDEAO, ou son aînée l’Ecomog, a déjà participé à de nombreuses opérations dans la région, dans le cadre de guerres civiles ou de rébellions localisées. La première de ces opérations est donc celle menée au Liberia entre 1990 et 1999. Entre 1997 et 2000, elle intervient également en Sierra Leone, également en proie à une guerre civile. La Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, en proie à des rébellions locales, verront également la FAC intervenir sur leur sol, notamment au tournant du millénaire.
La FAC interviendra également au Mali, en 2013, pour aider le régime à lutter contre les djihadistes du nord du pays. Les forces françaises se joindront ensuite à elles, dans le cadre de l’opération Serval, ancêtre de Barkhane. Enfin, la dernière intervention majeure de la FAC remonte à 2017.
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Elle était alors intervenue en Gambie pour chasser du pouvoir le président sortant Yahya Jammeh, qui refusait de quitter son poste après la victoire d’Adama Barrow à la présidentielle. L’opération avait toutefois été stoppée après quelques heures pour laisser la place à une médiation. La FAC n’avait donc pas été déployée lors des récents coups d’État au Mali ou au Burkina Faso.
Il est à noter que cette force d’attente n’est pas une spécificité de la CEDEAO. Comme le rappelle la Fondation pour la recherche stratégique, l’Union Africaine, qui regroupe tous les pays du continent (à l’exception de quelques pays suspendus, comme le Soudan ou le Mali), a ainsi supervisé la création de brigades régionales de ce type dans tout le continent. Ces formations sont regroupées sous le nom de « Force africaine en attente ».