Un verre par jour suffit : l’alcool, facteur de risque mondial pour le cancer du sein

L’alcool est un facteur de risque majeur pour le cancer du sein, une réalité souvent ignorée ou minimisée dans le débat public. Selon des études internationales, même une consommation modérée d’alcool – un seul verre par jour – peut augmenter sensiblement les chances de développer cette maladie. Ce constat n’est pas limité à la France ou à l’Europe : il concerne des millions de femmes à travers le monde. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres institutions de santé publique tirent régulièrement la sonnette d’alarme, mais les comportements restent difficiles à changer.

A lire aussi : Décès de James Harrison : l’homme dont le sang a sauvé 2,4 millions de bébés

Une menace sous-estimée

Le lien entre alcool et cancer du sein a été établi dans plus de 50 études scientifiques, confirmant que cette boisson perturbe l’équilibre hormonal et favorise l’apparition de tumeurs. Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer, explique : « Pour certains cancers, comme celui du foie, il faut plusieurs verres par jour pour observer un risque accru. Mais pour le cancer du sein, un seul verre suffit. » Cette sensibilité particulière s’explique par les propriétés perturbatrices endocriniennes de l’alcool, qui altèrent les niveaux d’œstrogènes, une hormone directement impliquée dans le développement de nombreux cancers mammaires.

Santé - Cancer du sein : l’alcool, un risque méconnu

À l’échelle mondiale, l’OMS estime que le cancer du sein représente 66 % des cas attribuables à l’alcool chez les femmes en Europe. Aux États-Unis, des chercheurs ont également identifié l’alcool comme l’un des principaux facteurs de risque évitables pour cette maladie, aux côtés du tabagisme et du surpoids. Une étude menée en 2018 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) révèle que près de 15 % des cancers du sein chez les femmes de plus de 30 ans en France métropolitaine sont liés à la consommation d’alcool. Ces données se retrouvent dans d’autres pays industrialisés, où les habitudes de consommation sont similaires.

Des chiffres alarmants au niveau mondial

En 2023, plus de 61.000 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en France, dont environ 8.000 attribuables à l’alcool, selon l’Institut national du cancer (INCa). Mais ce phénomène dépasse largement les frontières françaises. À l’échelle mondiale, le cancer du sein reste la forme de cancer la plus fréquente chez les femmes, avec plus de 2,3 millions de nouveaux cas recensés chaque année. Parmi eux, une proportion significative pourrait être évitée en réduisant la consommation d’alcool.

L’OMS souligne que plus de la moitié des cas de cancer du sein liés à l’alcool ne sont pas dus à une consommation excessive, mais à une consommation modérée, équivalente à deux petits verres de vin par jour. Cela signifie que même les personnes qui respectent les recommandations officielles de modération ne sont pas à l’abri. En Australie, par exemple, des études montrent que 4 % des cancers du sein sont directement attribuables à l’alcool, tandis qu’au Royaume-Uni, ce chiffre atteint 6 %.

Une méconnaissance généralisée

Malgré ces chiffres, la perception du risque demeure floue pour beaucoup. Emmanuelle Mouret-Fourme, médecin oncogénéticienne à l’Institut Curie, observe que les patientes interrogent souvent des facteurs non prouvés, comme les déodorants ou les soutiens-gorge, plutôt que ceux documentés scientifiquement. « Les idées reçues circulent largement sur les réseaux sociaux, mais elles n’ont aucun fondement », déplore-t-elle.

Cette méconnaissance n’est pas uniquement française. Dans de nombreux pays, les campagnes de prévention peinent à sensibiliser le public aux dangers de l’alcool. Aux États-Unis, par exemple, une enquête réalisée en 2022 a montré que seulement 30 % des femmes étaient conscientes du lien entre alcool et cancer du sein. En Inde ou en Chine, où la consommation d’alcool augmente rapidement, les efforts de sensibilisation restent insuffisants face à une population souvent mal informée.

Une approche globale pour réduire les risques

Face à cette réalité, les experts appellent à une meilleure prise de conscience collective. Limiter la consommation d’alcool est un levier puissant pour réduire les risques, mais cela doit s’accompagner d’une approche plus large. L’arrêt du tabac, une alimentation équilibrée et une activité physique régulière jouent également un rôle essentiel. L’OMS recommande aux adultes de pratiquer entre 150 et 300 minutes d’activité modérée ou 75 à 150 minutes d’exercice intense chaque semaine. Ces mesures simples peuvent avoir un impact considérable sur la santé globale.

D’autres pistes sont également explorées par les chercheurs. La pollution, l’alimentation transformée et le travail de nuit figurent parmi les facteurs émergents susceptibles d’influencer l’apparition du cancer du sein. En effet, près d’un cas sur deux survient chez des femmes qui ne présentent aucun des facteurs de risque identifiés à ce jour.

Vers une meilleure information ?

Le cancer du sein reste le type de cancer le plus fréquent chez les femmes, avec un taux de survie à cinq ans de 88 % dans les pays développés. Mais ces chiffres encourageants ne doivent pas occulter la nécessité de prévention. Pour Emmanuel Ricard, « il est urgent de mieux informer sur les risques associés à l’alcool, même à faible dose. La modération est un levier puissant pour protéger sa santé ».

À l’échelle mondiale, ces recherches rappellent l’importance de repenser nos comportements. Face à un risque aussi documenté, la vigilance et l’information sont des outils précieux pour préserver la santé. Alors que les habitudes de consommation d’alcool restent ancrées dans de nombreuses sociétés, il est temps d’agir pour limiter les conséquences humaines et économiques de cette menace silencieuse.

Quitter la version mobile