Laurent Gbagbo suspend la participation du PPA-CI à la Commission électorale en Côte d’Ivoire

Abidjan, 11 avril 2025 – L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a annoncé ce vendredi le retrait de son parti, le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), de la Commission Électorale Indépendante (CEI). Cette décision, qualifiée d’historique, intervient dans un contexte de tensions croissantes autour de la préparation de la prochaine élection présidentielle. Gbagbo accuse la CEI de partialité et de servir les intérêts du pouvoir en place, évoquant des risques de fraude et de manipulation.
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Un contexte électoral sous tension
La Côte d’Ivoire, encore marquée par la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait plus de 3 000 morts, redoute une répétition des erreurs du passé. La CEI, chargée d’organiser les scrutins, est aujourd’hui au cœur des critiques. Dans un communiqué officiel, Laurent Gbagbo dénonce une institution « devenue l’instrument docile d’un pouvoir qui refuse l’alternance ». Selon lui, la commission aurait violé ses propres règles pour favoriser le camp présidentiel, en tentant notamment d’exclure des candidats de l’opposition et en refusant d’auditer une liste électorale soupçonnée d’irrégularités.
Cette décision de retrait fait écho à un récent incident : une magistrate proche du Rassemblement des Républicains (RDR), parti au pouvoir, a refusé d’accorder un certificat de nationalité à Tidjane Thiam, figure politique émergente. Pour le PPA-CI, cette manœuvre est un signe flagrant de la volonté du gouvernement de verrouiller le processus électoral.
Les griefs du PPA-CI contre la CEI
Dans sa déclaration, Laurent Gbagbo liste plusieurs dysfonctionnements. La CEI est accusée d’ignorer les réclamations de l’opposition, de modifier arbitrairement les règles électorales et de fermer les yeux sur des fraudes présumées. « Cette institution ne rassure plus. Elle est discréditée », affirme-t-il, rappelant que la crise de 2011 avait été alimentée par une CEI alors contrôlée par l’opposition, aujourd’hui au pouvoir.

Le parti de Gbagbo pointe également une liste électorale « gangrenée » par des inscriptions douteuses, sans audit indépendant pour en vérifier la légitimité. « Refuser de contrôler ces anomalies, c’est préparer un scrutin truqué », estime un membre du PPA-CI.

Une décision symbolique et politique
En suspendant sa participation, le PPA-CI cherche à alerter la communauté nationale et internationale sur les risques de dérive. « Je refuse d’être complice d’un processus qui porte déjà les stigmates de l’exclusion », déclare Gbagbo, qui appelle à un « dialogue politique sincère » entre le pouvoir, l’opposition et la société civile. Cette initiative vise à rétablir la confiance dans un système électoral fragilisé.
Certains observateurs y voient une manœuvre pour repositionner Gbagbo sur l’échiquier politique, après son acquittement par la Cour pénale internationale en 2021. D’autres estiment que cette sortie renforce les craintes d’un scrutin contesté, dans un pays où la méfiance envers les institutions reste élevée.
Réactions et incertitudes
Si le gouvernement n’a pas encore réagi officiellement, des sources proches du pouvoir minimisent la portée de cette annonce, la qualifiant de « coup médiatique ». Pourtant, la suspension du PPA-CI pourrait inciter d’autres formations de l’opposition à durcir leur position.

La société civile, elle, s’inquiète. « Sans consensus sur les règles du jeu électoral, le pays s’expose à de nouvelles violences », alerte un responsable d’ONG abidjanaise. Les partenaires internationaux, dont l’Union africaine et l’ONU, suivent de près la situation, appelant à la transparence.
Vers un dialogue ou une escalade ?
La balle est désormais dans le camp du président Alassane Ouattara. Acceptera-t-il d’ouvrir des négociations pour apaiser le climat ? Le PPA-CI exige notamment une révision de la liste électorale, l’inclusion de tous les candidats et le respect strict du code électoral.
Pour l’heure, Laurent Gbagbo semble miser sur la pression publique. « Le peuple ivoirien mérite de choisir librement ses dirigeants », insiste-t-il, en référence aux élections de 2010, dont les résultats contestés avaient plongé le pays dans le chaos.
L’avenir immédiat de la Côte d’Ivoire dépendra de la capacité des acteurs politiques à éviter la confrontation. Alors que les tensions montent, l’appel au dialogue lancé par Gbagbo résonne comme un ultime avertissement. Reste à savoir si les leçons du passé ont été assimilées.