Société

Mali : grève nationale de 72 heures dans le secteur financier

Les banques, assurances, microfinances et stations-service paralysées dans tout le pays depuis ce jeudi matin

Depuis la première heure de la journée du 17 avril, l’ensemble du secteur financier malien est à l’arrêt. À l’appel du Syndicat national des banques, assurances, établissements financiers, commerces et stations-service du Mali (SYNABEF), une grève de 72 heures perturbe l’activité bancaire, les services d’assurance, les stations-service et plusieurs commerces affiliés. Le mouvement, déclenché à la suite de l’arrestation de deux agents d’Ecobank, traduit une contestation plus large portant sur les conditions de travail et la protection juridique des employés.

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L’interpellation de trop

Au cœur du bras de fer entre le syndicat et les autorités, une affaire liée à la société publique Énergie du Mali (EDM-SA). Deux salariés de la filiale malienne d’Ecobank ont été arrêtés pour leur implication présumée dans une opération de fausses garanties bancaires. Pour le SYNABEF, ces interpellations relèvent d’une démarche arbitraire et portent atteinte aux droits des travailleurs. Le syndicat exige leur libération immédiate et sans conditions.

Cette revendication s’inscrit dans une plateforme plus large déposée le 2 avril. Quinze points résument les attentes du syndicat, parmi lesquels figurent l’application des textes réglementaires en vigueur, des conditions de travail jugées dégradantes dans plusieurs structures, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la sécurité juridique du personnel.

Aucune négociation aboutie

Des échanges ont bien eu lieu entre les représentants syndicaux et le gouvernement, mais sans issue favorable. Dans un communiqué daté du 16 avril (réf. 004/2025), le bureau exécutif du SYNABEF a confirmé que la grève serait lancée dès le lendemain, conformément au préavis. Le mot d’ordre est clair : aucune tolérance pour les services minimums. Tous les travailleurs concernés sont appelés à cesser leurs activités jusqu’à nouvel ordre.

La mesure concerne les banques commerciales, les compagnies d’assurances, les institutions de microfinance, ainsi que les stations-service sous bannière Shell, Total ou Oryx. Les premières conséquences ont été visibles dès l’ouverture des services ce jeudi matin : rideaux fermés, files d’attente devant les rares stations en activité, clients bloqués devant des guichets automatiques hors service.

Des usagers désorientés

Pour de nombreux clients, cette paralysie prend des allures d’impasse. À Bamako, Issiaka s’est heurté à un distributeur automatique d’Ecobank à l’arrêt. Dépité, il confie son incompréhension :

« Cela nous cause bien sûr des désagréments. On ne peut pas faire de dépôt d’argent liquide à la banque. On nous prive de nos droits à cause d’une situation qui implique une ou plusieurs personnes et qui ne nous concerne pas. Je crois qu’à l’avenir, il serait mieux qu’on traite ces questions avec sagesse. »

Même constat dans d’autres quartiers de la capitale, où les opérations commerciales sont lourdement perturbées. Certaines stations locales, encore fonctionnelles, tentent d’absorber la demande en carburant. Mais les longues files devant les pompes trahissent une tension grandissante. Les transporteurs redoutent une pénurie dans les prochains jours si la grève se prolonge.

Vers une extension du mouvement ?

En l’état, aucun signal ne laisse entrevoir un retour rapide à la normale. Le SYNABEF reste ferme sur sa position et menace d’allonger le mouvement si aucun compromis n’est trouvé. Une grève reconductible de 120 heures est déjà programmée du mardi 22 au samedi 26 avril. Le syndicat insiste sur le caractère national de sa mobilisation, qui ne se limite pas à l’affaire Ecobank mais touche des préoccupations anciennes et partagées.

Dans ce bras de fer, les autorités maliennes n’ont encore livré aucune réaction officielle. Le silence du gouvernement, perçu par certains comme une posture d’attente, alimente les spéculations sur les marges de négociation encore possibles. Le syndicat, lui, appelle à une mobilisation totale et au strict respect des consignes de grève.

Un climat social déjà tendu

Cette mobilisation intervient dans un contexte de pression généralisée sur le pouvoir d’achat et de crispation dans plusieurs secteurs. La grève du SYNABEF, par son ampleur et ses effets immédiats, s’ajoute aux signaux d’un climat social instable.

Si le gouvernement mise sur l’épuisement ou la lassitude pour contenir le mouvement, la paralysie actuelle montre une organisation syndicale bien structurée et déterminée à obtenir gain de cause. En coulisses, des tentatives de médiation seraient à l’étude, sans qu’aucun calendrier officiel ne soit encore fixé.

Des implications pour l’écosystème économique

Au-delà des revendications posées, l’arrêt simultané de plusieurs secteurs entraîne des perturbations dans l’écosystème économique du pays. De nombreuses entreprises qui dépendent de la fluidité des transactions bancaires ou de l’approvisionnement en carburant voient leur activité freinée. Certains acteurs évoquent des retards dans le paiement des salaires, dans la livraison de marchandises ou dans la gestion des stocks.

Le mouvement interroge aussi sur la résilience du secteur financier malien face aux conflits sociaux. Si les garanties de protection juridique du personnel bancaire ne sont pas clarifiées, d’autres crises du même type pourraient surgir. Plusieurs analystes s’inquiètent de l’absence de dispositif de concertation pérenne entre syndicats et exécutif, qui permettrait d’anticiper plutôt que de subir.

Une grève qui teste les équilibres

En initiant ce mouvement sans précédent par son étendue, le SYNABEF mesure la profondeur du malaise dans les institutions financières maliennes. La grève actuelle agit comme un révélateur d’un système sous pression, où les rapports entre salariés, employeurs et autorités reposent sur des bases fragiles. Les prochains jours seront décisifs : soit les lignes bougent, soit la paralysie gagne du terrain.

La reconduction annoncée du mouvement dès la semaine suivante pourrait affecter d’autres maillons de la chaîne économique si aucune initiative de dialogue n’est amorcée. Pour les clients, les transporteurs, les commerçants ou les chefs d’entreprises, l’enjeu immédiat reste le rétablissement d’un service normal. Pour les employés grévistes, il s’agit de faire entendre une voix restée trop longtemps ignorée.

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