Mort de Martin Loeb : l’acteur aux yeux mélancoliques de Jean Eustache s’est éteint à 66 ans

Martin Loeb, acteur révélé à 15 ans dans Mes petites amoureuses de Jean Eustache, est mort samedi 22 mars à l’âge de 66 ans. Sa sœur, Caroline Loeb, a annoncé la nouvelle sur les réseaux sociaux, suscitant un hommage unanime au comédien au regard inoubliable, dont la carrière cinématographique, brève mais intense, a marqué les années 1970.
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Une révélation précoce sous la direction d’Eustache
Né en 1959 dans une famille d’artistes — mère écrivaine, grand-père galeriste —, Martin Loeb intègre le cinéma dès l’adolescence. À 15 ans, il incarne Daniel dans Mes petites amoureuses (1974), long-métrage en couleurs de Jean Eustache, chef-d’œuvre réalisé avec le directeur de la photographie Néstor Almendros. Le film, tourné dans la Nièvre mais situé à Pessac, ville natale d’Eustache, suit un adolescent balloté entre sa mère (Ingrid Caven) et sa grand-mère (Jacqueline Dufranne), confronté aux premières expériences amoureuses dans une province étouffante.

Loeb y incarne une mélancolie silencieuse. Son personnage, Daniel, observe le monde avec un regard à la fois scrutateur et désabusé, soulignant la tension entre innocence et désillusion. « Il y avait chez lui une immobilité qui en disait plus que des mots », analyse un critique à la sortie du film. Maurice Pialat, partenaire à l’écran, incarne un adulte aux conseils fallacieux, reflétant les contradictions d’un univers où les promesses sociales se heurtent à la rudesse des réalités.
Une carrière dense, puis un retrait discret
Après ce rôle, Martin Loeb enchaîne les collaborations prestigieuses. En 1976, il donne la réplique à Catherine Deneuve et Anouk Aimée dans Si c’était à refaire de Claude Lelouch. En 1977, il porte Jeux interdits de l’adolescence de Pier Giuseppe Murgia. Son dernier film, Roberte (1979) de Pierre Zucca, adapté des récits de Pierre Klossowski, clôt une filmographie concise mais marquante.
Pourtant, à l’aube des années 1980, Loeb quitte le cinéma pour se consacrer à la gravure. Installé d’abord à Montmartre, puis à Bordeaux, il cultive une discrétion absolue, refusant interviews et apparitions publiques. En 2008, le documentariste Henri-François Imbert tente en vain de le retrouver pour Le Temps des amoureuses, consacré aux seconds rôles du film d’Eustache.
Hommages et héritage cinématographique
La nouvelle de sa mort, partagée par Caroline Loeb sur Instagram, a déclenché une vague de souvenirs. « Martin, la beauté », écrit-elle en légende d’une photo de son frère. Les hommages affluent, notamment autour de Mes petites amoureuses, disponible sur Arte.tv. « Ce film est une pierre angulaire du cinéma des années 1970. Loeb y incarne une grâce adolescente inégalée », souligne un cinéphile sur Twitter.

Le réalisateur Jean Eustache, disparu en 1981, décrivait son acteur comme « un miroir des silences », capable de transmettre l’ennui et l’attente par un simple clignement de paupières. Cette économie de jeu, proche du style de Robert Bresson, contraste avec le verbalisme de La Maman et la Putain, autre œuvre phare d’Eustache sortie deux ans plus tôt.
Une famille artistique et un legs intime
Proche de sa sœur Caroline, Martin Loeb a toujours refusé de vivre dans l’ombre de sa parenté. Caroline Loeb, chanteuse connue pour C’est la ouate (1986) et actrice (L’Homme pressé), a souvent évoqué leur complicité, malgré leurs parcours divergents. « Il avait choisi une voie solitaire, mais son art respirait dans chaque gravure », confie-t-elle aujourd’hui.
Ses œuvres graphiques, exposées à de rares occasions, mêlent motifs géométriques et références cinématographiques. Une rétrospective est envisagée à Bordeaux, où il a résidé jusqu’à sa mort.
Pourquoi Mes petites amoureuses reste une référence
Le film, souvent comparé à L’Argent de poche de Truffaut, s’en distingue par son absence de nostalgie. L’adolescence y est dépeinte sans fard : les filles sont des « pièges sociaux », les adultes, des modèles défaillants. Daniel, interprété par Loeb, incarne cette lucidité précoce. Une scène reste culte : assis dans un cinéma, il observe une séance de drague, son visage immobile trahissant un mélange de curiosité et de résignation.
Aujourd’hui, le film est étudié dans les écoles de cinéma pour sa direction d’acteurs et sa photographie. La mort de Loeb relance les discussions sur son approche minimaliste, où chaque geste compte.
Épilogue
Martin Loeb laisse derrière lui une filmographie rare et une réputation d’artiste insaisissable. Alors que les causes de sa mort restent privées, comme il l’aurait souhaité, son regard intense continue de hanter les écrans. Mes petites amoureuses, visionnable sur Arte.tv, reste un témoignage fragile de son talent — et d’une époque où le cinéma osait les silences éloquents.
(Sources : Caroline Loeb/Instagram, Arte.tv, archives cinématographiques)
Réagir
Les hommages à Martin Loeb peuvent être partagés sous le hashtag #MartinLoeb. Une pétition circule pour que Mes petites amoureuses soit intégré au patrimoine cinématographique numérisé.