Myriam Jaouen Condamné à 25 ans de prison : derrière le meurtre de Lisa, la faille des crèches privées

Myriam Jaouen, ancienne employée d’une crèche lyonnaise, a été condamnée à 25 ans de réclusion pour le meurtre de Lisa, 11 mois, intoxiquée au Destop en 2022. Au-delà de l’acte individuel, le procès a révélé des tensions dans le secteur privé de la petite enfance, tiraillé entre rentabilité et sécurité.
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Un verdict après trois jours de débat
Ce vendredi, la cour d’assises du Rhône a prononcé une peine de 25 ans de prison contre Myriam Jaouen, reconnue coupable d’avoir administré un déboucheur liquide à la petite Lisa. L’auxiliaire de puériculture, qui affirme avoir « pété un câble » face aux pleurs de l’enfant, a maintenu durant le procès ne pas avoir voulu la tuer. Les jurés ont retenu le caractère « intentionnel » de l’acte, aggravé par la vulnérabilité de la victime.

Trois heures d’agonie et une enquête éclair
Le 22 juin 2022, vers 8h, le père de Lisa dépose sa fille à la micro-crèche Danton Rêve, gérée par le groupe People&Baby. Myriam Jaouen, seule ce matin-là, est retrouvée en état de panique par des parents arrivant peu après. L’enfant vomit un liquide noirâtre. Transportée d’urgence à l’hôpital, elle succombe à des brûlures chimiques internes « massives », perforant ses organes. Les analyses identifieront du Destop, produit contenant de l’acide sulfurique.
« Mange et tais-toi » : le geste inexpliqué
Interrogée sur ses motivations, l’accusée évoque des « pleurs aigus » insupportables. « Je ne me suis pas rendu compte sur le coup », a-t-elle répété, sans clarifier pourquoi elle a choisi ce produit. La bouteille, jetée après les faits, n’a jamais été retrouvée. L’avocate générale Catherine Bourgade a dénoncé « une volonté de destruction absolue », soulignant que l’accusée a terminé sa journée puis est allée « faire du shopping », indifférente à l’urgence.
Une accusée fragile, un recrutement controversé
Le procès a exposé le parcours chaotique de Myriam Jaouen : surdité partielle, scolarité difficile, vie chez ses parents à 30 ans. Malgré un CAP petite enfance, sa directrice a reconnu une « erreur de recrutement », admettant que la jeune femme semblait « mal à l’aise » avec les nourrissons. Le groupe People&Baby, qui fermera la crèche après le drame, affirme pourtant qu’elle disposait « des diplômes requis ».
Pour les parents de Lisa : « Parler des crèches, c’est un mauvais sujet » Sophie et Fabio B., parents de la victime, ont refusé de transformer le procès en débat sur les structures d’accueil. « Lisa, ce n’était pas le bébé Destop, c’était une fille, une petite fille… », a lancé la mère, reprochant aux médias de réduire l’enfant à un symbole. Le couple a exigé que le procès se concentre sur « l’acte monstrueux », évitant toute généralisation sur le secteur.
Pression économique vs sécurité : l’angle mort des crèches privées
Pourtant, l’affaire a relancé les critiques sur les micro-crèches privées, souvent gérées comme des entreprises. Des rapports parlementaires pointent des effectifs sous-dimensionnés et des recrutements précaires pour maximiser les profits. En 2023, une enquête du Canard Enchaîné révélait que 60 % des crèches privées françaises dépassent les ratios encadrants/enfants.
L’après-drame : réformes et zone d’ombre
Suite au décès de Lisa, des contrôles renforcés ont été annoncés, sans changement structurel majeur. Les formations continues pour le personnel restent optionnelles, et aucun texte n’impose une supervision systématique des nouvelles recrues. « On embauche sur diplôme, pas sur l’aptitude psychologique », déplore une inspectrice de la PMI sous couvert d’anonymat.
La défense : une personnalité « immature », pas une criminelle
L’avocate de Myriam Jaouen, Me Julia Minkowski, a plaidé l’« inadaptation » plutôt que la préméditation. Des experts ont décrit une femme « cognitive limitée », incapable de gérer le stress. « Elle a agi comme une enfant qui casse un jouet sans en mesurer les conséquences », a résumé la défense, réclamant une peine inférieure à 20 ans.

Le choix des jurés : 25 ans, entre punition et réinsertion possible
En optant pour 25 ans – soit une sortie possible à 55 ans –, le jury a reconnu la gravité du crime tout en laissant une porte ouverte à la rédemption. Une décision qui satisfait partiellement la famille : « Rien ne ramènera Lisa, mais cela envoie un message », a déclaré le père.
Ce qu’il reste Le procès de Myriam Jaouen aura au moins révélé un paradoxe : dans un secteur censé protéger les plus vulnérables, la rentabilité prime parfois sur l’humain. Alors que les places en crèche manquent, la tentation de rogner sur la qualité des recrutements persiste. Lisa, elle, aurait eu trois ans cette année.
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