Une décision historique du Vatican a secoué la communauté catholique mondiale, ouvrant la porte aux bénédictions des couples homosexuels, mais cette décision est loin de faire l’unanimité, en particulier sur le continent africain.
Selon le Professeur Jean-Paul Messina, spécialiste de l’Histoire du Christianisme à l’Université Catholique d’Afrique Centrale, cette décision découle de profondes divergences entre l’épiscopat occidental et l’épiscopat africain, notamment sur la question pastorale liée aux couples homosexuels et aux personnes divorcées.
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Le Pape François a, depuis son élection en 2013, cherché à rendre l’Église plus accueillante envers les personnes LGBTQ+, sans pour autant modifier la doctrine morale. En juillet 2023, une lettre aux cardinaux conservateurs ouvre la porte à l’autorisation des bénédictions pour les couples de même sexe et les divorcés. En juillet 2013, il donnait déjà un ton conciliant à l’égard des homosexuels en déclarant : « si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ».
Le document « Fiducia supplicans »
Le 18 décembre 2023, le Vatican publie le document « Fiducia supplicans » sur le sens pastoral des bénédictions, approuvé par le Pape François. Ce document entérine la possibilité de bénédictions pour des couples dont la situation est qualifiée d’irrégulière. Cependant, il souligne que la bénédiction ne doit pas être confondue avec le sacrement du mariage hétérosexuel.
Déjà en novembre dernier le Vatican avait déjà approuvé le baptême des fidèles transgenres et autres croyants LGBTQ dans l’Église catholique. Le dicastère précisait alors que les fidèles transgenres « peuvent recevoir le baptême, dans les mêmes conditions que les autres fidèles, s’il n’existe pas de situation dans laquelle il y a un risque de générer un scandale public ou une incertitude parmi les fidèles« .
Le préfet du dicastère pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Victor Ferandez, explique que cette décision ne modifie pas la doctrine sur le mariage, et la bénédiction ne constitue pas une approbation de l’union. Pour lui, sont « inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage et ce qui le contredit ».
Le document de huit pages précise que la forme de la bénédiction « ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales afin d’éviter toute confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage ». Elle doit être faite « hors liturgie« .
Réactions contrastées en Afrique
La réaction des Églises africaines a été presque unanime dans la contestation de cette décision. Les conférences épiscopales du Malawi, du Nigeria, de la Zambie et de la République démocratique du Congo (RDC) ont exprimé leur opposition aux bénédictions pour les couples de même sexe. Au lieu d’apporter des précisions sur la pratique de la bénédiction dans l’Église catholique, « Fiducia supplicans » a plutôt provoqué une vive contestation de nombreux évêques particulièrement en Afrique.
En Côte d’Ivoire, les évêques réaffirment leur attachement aux valeurs du mariage entre un homme et une femme, tandis que la Conférence épiscopale du Cameroun interdit formellement toute bénédiction pour les couples homosexuels.
Dans une déclaration signée le 27 décembre par Mgr Marcellin Yao Kouadio, président de la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire(CECCI), ils ont réaffirmé leur « attachement aux valeurs de la famille, du sacrement du mariage entre un homme et une femme, tel que l’a voulu Dieu depuis le commencement ». C’est pourquoi Mgr Marcellin Yao Kouadio a demandé « aux Ministres ordonnés de s’abstenir des bénédictions de couples de même sexe et des couples en situation irrégulière ».
Même réaction du côté de la Conférence épiscopale des évêques du Cameroun. Son président Mgr Andrew Fuanya Nkea voit en l’homosexualité « une aliénation qui nuit gravement à l’humanité. Parce qu’elle n’est fondée sur aucune valeur propre à l’être humain, c’est une déshumanisation de l’amour, une abomination ».
Au Sénégal, c’est l’Archevêque métropolitain de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye, qui a porté la voix de ses collègues. Dans un communiqué, les évêques du Sénégal disent ne pas porter « un jugement sur les personnes » mais « dénoncent toute initiative de vouloir légaliser l’homosexualité qui n’est pas conforme à nos valeurs traditionnelles, encore moins à nos croyances religieuses chrétiennes ».
Divisions au sein de l’église catholique sur la question de bénédiction des couples homosexuels
Cette décision expose les divisions au sein de l’Église catholique entre les conservateurs refusant de bénir les mariages irréguliers et les réformistes appelant à l’évolution des positions envers les communautés LGBTQ+.
Le Professeur Messina suggère un synode présidé par le Pape pour réguler la question de l’homosexualité au sein de l’Église, tout en tenant compte des réalités culturelles de l’Afrique. Selon lui, on a le sentiment qu’en Afrique, « l’homosexualité est liée au pouvoir et qu’il s’agirait là d’une homosexualité rituelle ». Notamment pour ceux qui vont à la conquête de pouvoir et ceux qui sont dans les loges.
L’Église catholique se retrouve à la croisée des chemins, confrontée à des fidèles confus et doutant de la direction à suivre. Alors que l’Afrique est considérée comme le « futur de l’Église Catholique », elle pourrait également perdre des adeptes face à la montée d’autres mouvements religieux sur le continent.
Pour sortir de cette incompréhension théologique, le professeur Messina suggère l’organisation d’un synode présidé par le Pape pour réguler la question de l’homosexualité au sein de l’église et aplanir les divergences. Ceci, tout en tenant compte que « culturellement la question de l’homosexualité et des couples homosexuels en Afrique n’est pas acceptée ».