L’Assemblée nationale a récemment été le théâtre d’un bouleversement politique majeur. En effet, par un vote de 270 voix contre 265, une motion de rejet préalable au projet de loi immigration a été adoptée. Cette défaite politique infligée au gouvernement a été rendue possible grâce à l’alliance surprenante des voix de la gauche, des Républicains (LR) et du Rassemblement National (RN).
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Réactions et analyses sur le projet de loi immigration
Le président du groupe LR au Sénat s’est exprimé de manière franche sur les réseaux sociaux, affirmant que ce rejet était une conséquence logique des divisions profondes au sein de la majorité présidentielle concernant cette question cruciale de l’immigration. Il a souligné que ce projet portait en lui les stigmates de ces divisions et constituait un désaveu retentissant pour le macronisme.
Interrogé par LCI dans les couloirs de l’Assemblée nationale, Benjamin Haddad (Renaissance) évoque une « alliance totalement rocambolesque » entre LR et LFI ayant conduit au rejet du projet de loi immigration. « On voulait avoir un débat, on respecte la démocratie. Ce qu’il s’est passé aujourd’hui est triste pour notre démocratie. on a besoin de réponse efficace sur l’immigration« , ajoute le député, qui fustige des membres des Républicains « qui ne savent plus où ils habitent ».
Le député PCF du Nord a déclaré au micro de LCP : «Le gouvernement, la première ministre, le ministre de l’Intérieur doivent se rendre qu’il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour voter ce texte, pour des raisons diverses, voire même opposées (…), il doit retirer ce texte et peut-être mettre d’autres sujets à l’ordre du jour comme la vie chère ou le pouvoir d’achat.»
La députée Renaissance Maud Bregeon s’est émue de l’adoption de la motion de rejet à l’Assemblée nationale. «C’est vraiment une alliance de la carpe et du lapin, un mariage électoral entre Éric Ciotti et Sandrine Rousseau, entre Marine et Louis Boyard», a-t-elle déclaré sur BFMTV, avant d’estimer que «ce qui a gagné ce soir, c’est la politicaillerie et pas l’intérêt des Français».
La députée macroniste n’a pas souhaité s’exprimer sur les neuf députés de la majorité présidentielle qui n’ont pas voté «contre» la motion de rejet. Concernant l’issue pour le projet de loi immigration, Maud Bregeon a souhaité que le texte ne soit pas «abandonné». «On a besoin de durcir les règles migratoires en France», selon elle.
Une main tendue et une nouvelle voie envisagée
Voter une motion de rejet sur le projet de loi immigration serait « refuser de débattre des sujets qui intéressent les Français », a lancé lundi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à l’Assemblée nationale en ouverture des débats. « Qui a peur du débat ? Ceux qui vont, dans une alliance contre nature, se mettre d’accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer« , a encore lancé le ministre alors qu’une motion des écologistes pourrait entraîner le rejet du texte avant même son examen au fond, si suffisamment de députés de gauche, des LR et du RN la votaient.
« Bien sûr ce texte mérite d’être amélioré et la main du gouvernement est tendue dans l’intérêt général« , a également insisté le ministre de l’Intérieur, qui tente de trouver une difficile voie de passage entre les exigences de sévérité de la droite et le besoin de conserver le camp présidentiel uni derrière le texte.
« Bien sûr ce texte mérite d’être amélioré et la main du gouvernement est tendue dans l’intérêt général« , a également insisté le ministre de l’Intérieur, qui tente de trouver une difficile voie de passage entre les exigences de sévérité de la droite et le besoin de conserver le camp présidentiel uni derrière le texte. Preuve de cette « main tendue », le ministre a annoncé depuis la tribune de l’hémicycle que le gouvernement allait engager « dès le début de l’année 2024 » une réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME).
« Le gouvernement s’engage dans les tout prochains temps, dès le début de l’année 2024, à répondre aux exigences et aux questions posées par les sénateurs« , a lancé Gérald Darmanin, expliquant avoir écrit aux « présidents de groupes » au Parlement pour « annoncer le dépôt de textes qui permettent la réforme de cette AME », un dispositif qui permet de couvrir les frais de santé des étrangers sans papiers. « La France ne peut pas être le seul pays d’Europe à ne pas débattre d’un sujet de souveraineté, d’humanité et d’avenir« , a encore lancé le ministre à l’adresse des députés.
Vers un débat plus constructif
Alors que la majorité présidentielle a manifesté sa volonté de compromis, le climat semble tendu. Des figures politiques comme le président de la Commission des Lois, Sacha Houlié, et le député RN Julien Odoul ont exprimé des positions divergentes quant à l’approche et à la responsabilité du gouvernement dans cette situation.
« La majorité a montré qu’elle est prête à des compromis mais pour faire des compromis il faut au moins être deux « , a déclaré plus tard depuis la même tribune le président de la Commission des Lois Sacha Houlié (Renaissance). « Monsieur (Gérald) Darmanin n’a pas à donner de leçons de démocratie, de débat, de responsabilité aux députés, sachant que le gouvernement tord le bras de l’Assemblée nationale depuis qu’il est en poste« , a rétorqué devant des journalistes le député RN Julien Odoul.
Quelques surprises dans les votes
L’analyse des votes révèle quelques surprises :
– 5 députés Renaissance n’ont pas voté, alors que le vote a été extrêmement serré. Ces cinq voix manquantes auraient pu faire basculer le scrutin.
– 3 députés Modem n’ont pas voté
– 1 député Horizons n’a pas voté
– L’écologiste Delphine Batho a voté contre, alors que la proposition était portée par son groupe des écologistes. Elle justifie cela sur X par une volonté de ne pas voter avec l’extrême droite.
Cette mise en échec du projet de loi immigration marque un tournant dans le débat politique actuel et souligne l’importance d’une vision partagée et d’un dialogue ouvert pour aborder ces questions sociétales sensibles.