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L’écrivain Kamel Daoud : pourquoi l’Algérie lance-t-elle des mandats d’arrêt contre l’écrivain Goncourt 2024 ?

Couronné en novembre 2024 par le prestigieux prix Goncourt pour son roman Houris, l’écrivain Kamel Daoud, figure majeure de la littérature franco-algérienne, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une affaire explosive mêlant accusations de plagiat, trahison nationale et conflits diplomatiques. Son œuvre, qui plonge le lecteur dans l’horreur des années noires de la guerre civile algérienne à travers le destin d’une survivante, est désormais au centre de multiples procédures judiciaires. Entre dénonciations médiatiques, plaintes en série, et deux mandats d’arrêt internationaux émis par la justice algérienne, la situation de Kamel Daoud soulève de vives inquiétudes dans les milieux littéraires et politiques. Voici ce qu’il faut retenir de cette affaire en trois points.

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1. Un roman acclamé… mais controversé : la naissance de la polémique

C’est en novembre 2024 que l’écrivain Kamel Daoud, alors âgé de 54 ans, reçoit le prix Goncourt pour Houris, un roman poignant inspiré des années noires qu’a connues l’Algérie dans les années 1990. Vendu à plus de 430 000 exemplaires, le livre raconte l’histoire d’Aube, une enfant rescapée d’un massacre, égorgée mais miraculeusement survivante, marquée à vie par la violence islamiste.

Quelques jours après ce triomphe, une femme algérienne du nom de Saâda Arbane accuse l’écrivain Kamel Daoud d’avoir plagié son histoire personnelle, qu’elle aurait confiée à sa psychiatre… qui n’est autre que l’épouse de l’écrivain, Aïcha Dahdouh. Selon elle, les confidences faites en thérapie entre 2015 et 2023 ont été récupérées à son insu pour façonner Houris. Le parallèle entre sa vie et celle de l’héroïne du roman est, selon ses avocats, « troublant et révélateur ». Elle affirme notamment que l’écrivain Kamel Daoud lui avait demandé l’autorisation d’écrire son histoire, qu’elle aurait refusée. En France comme en Algérie, la jeune femme a porté plainte pour atteinte à la vie privée et utilisation non autorisée d’informations confidentielles. Elle réclame 200 000 euros de dommages et intérêts et demande que le jugement éventuel fasse l’objet d’une publicité.

2. Deux mandats d’arrêt internationaux : une affaire désormais politique

Le mardi 6 mai 2025, Le Point révèle que l’écrivain Kamel Daoud est désormais visé par deux mandats d’arrêt internationaux délivrés par l’Algérie, une information confirmée dès le lendemain par la diplomatie française. Ces mandats, émis par un juge d’instruction du tribunal d’Oran, auraient été adressés à Interpol, sans plus de précisions publiques. Selon l’avocate de l’auteur, Jacqueline Laffont, ces mandats n’ont rien de judiciaire, mais sont purement politiques. Elle les qualifie de « manifestement abusifs » et annonce une procédure pour contester leur diffusion devant les instances de contrôle d’Interpol.

L’écrivain Kamel Daoud, qui réside en France et est chroniqueur régulier pour Le Point, est aussi convoqué devant le tribunal de Paris, dans le cadre d’une procédure civile initiée par Saâda Arbane. Il nie en bloc les accusations, rappelant que son livre est une fiction littéraire fondée sur les témoignages recueillis lors de sa carrière de journaliste dans les années 1990 au Quotidien d’Oran. Ce conflit survient dans un contexte de relations tendues entre la France et l’Algérie, notamment après l’arrestation en Algérie de l’écrivain Boualem Sansal, accusé lui aussi d’atteinte à la sécurité nationale pour ses publications critiques du régime.

3. Le roman Houris, œuvre de fiction ou histoire volée ?

Le cœur de l’affaire réside dans la question suivante : jusqu’où peut aller la fiction lorsqu’elle s’inspire de la réalité ? Pour l’écrivain Kamel Daoud, Houris est le fruit d’un long travail littéraire nourri de souvenirs, d’enquêtes, de récits anonymes et de la mémoire collective algérienne. Il rejette catégoriquement tout lien direct avec la vie de Saâda Arbane.

« Il y a eu des dizaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de mutilés. Je suis désolé qu’elle se reconnaisse dans une œuvre de fiction. Mais ce roman ne raconte pas sa vie, ne mentionne pas son nom, ni ses détails personnels. C’est un roman de fiction », a-t-il martelé sur Europe 1.

Mais pour la plaignante, la similitude est trop forte : la date du massacre, l’âge de l’héroïne, la tentative d’avortement, le profil psychologique, tout correspond. Et surtout, son dossier médical aurait été accessible à la psychiatre, épouse de l’écrivain, créant une suspicion grave de violation du secret thérapeutique. Face à ces éléments, la justice française devra trancher un débat épineux : jusqu’où va la liberté de création littéraire quand elle croise des confidences thérapeutiques ? Et quelle est la frontière entre inspiration et appropriation ?

Une affaire littéraire au parfum de scandale d’État

Avec quatre plaintes déposées (deux en France, deux en Algérie), des mandats d’arrêt internationaux, et une audience attendue à Paris, l’affaire l’écrivain Kamel Daoud dépasse désormais le cadre littéraire. Elle réactive les tensions autour de la mémoire de la « décennie noire » algérienne, que beaucoup au pouvoir voudraient voir oubliée.

Ce scandale révèle aussi l’extrême sensibilité des autorités algériennes vis-à-vis des récits mettant en cause leur passé ou leur image. À ce jour, l’écrivain Kamel Daoud, dont le livre continue de susciter débats et éloges, se défend pied à pied. Il incarne malgré lui un bras de fer entre vérité littéraire, mémoire traumatique et censure d’État.

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