Le décès d’Anne Rwigara, survenu ce jeudi 28 décembre à l’âge de 41 ans aux États-Unis où elle résidait, vient alimenter les spéculations sur la persécution subie par la famille Rwigara de la part du régime rwandais. La figure d’Anne Rwigara était étroitement liée à la résistance et à la critique du régime de Paul Kagame, symbolisant la bravoure et la défense des libertés.
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Une traque familiale initiée par des circonstances troublantes
Le tragique décès d’Assinapol Rwigara, patriarche de la famille Rwigara, dans des circonstances douteuses en 2015, est le point de départ d’une traque implacable contre la famille. il était un richissime entrepreneur et homme d’affaires Rwandais qui a fait fortune dans l’industrie et l’immobilier. C’était un patriote.
Dans les années 1990, ce père de 4 enfants avait largement financé le Front patriotique rwandais (FPR), alors rébellion, qui a pris le pouvoir à la suite du génocide en 1994. Dans la nuit du 4 février 2015, Assinapol Rwigara meurt dans un accident de voiture à Kigali dans des circonstances troubles. Sa famille parle d’assassinat.
En effet, « arrivés sur les lieux, ses enfants surprennent une dépanneuse de la police en train d’enlever la voiture avec leur père vivant à l’intérieur. Une fois sorti de la voiture, il était encore vivant selon sa fille Anne. Malgré cela, il sera mis dans un sac mortuaire et une fois à la morgue; on découvrira des blessures à l’arrière de son crâne. Une autopsie révèle que son décès a été causé par des blessures provoquées par un couteau. »
Les circonstances entourant cet accident de voiture, assimilé à un assassinat maquillé, ont suscité de nombreuses interrogations et ont laissé la famille dans la quête d’une justice jamais obtenue.
Les dénonciations et revendications de la famille quant à cet assassinat présumé ont abouti à une confrontation directe avec le pouvoir en place. Diane Rwigara, une autre fille du défunt, avait annoncé sa candidature à la présidence, marquant une contestation ouverte du régime. Cette annonce sonne comme coup de tonnerre car elle est saluée par la masse d’habitude silencieuse. Par contre, cela lui a valu des représailles sévères, dont la divulgation de photos intimes dans une tentative d’intimidation.
Persécutions et enfermement : des rudes épreuves pour la famille Rwigara
Le 7 Juillet 2017, sa candidature est invalidée par la commission électorale qui affirme avoir décelé de fausses signatures sur la liste de ses parrainages. La famille Rwigara qui a voulu défier Kagamé, paiera très cher cet affront.
Le 29 août 2017, la police rwandaise mène une perquisition au domicile de la famille. On évoque une enquête visant les signatures présumées falsifiées du dossier de candidature de Diane des soupçons de fraudes fiscales pesant sur l’entreprise familiale Premier Tobacco Company, gérée par Anne. Diane, sa mère, Adeline et sa sœur Anne sont placées en détention provisoire le 24 septembre 2017 et inculpées pour incitation à l’insurrection.
Anne et sa mère Adeline passeront 1 an en prison. Les charges seront finalement abandonnées. En effet, après plus d’un an de procédure, les juges de la Haute Cour de Kigali tranchent que “les charges retenues par l’accusation sont sans fondement”.
Le décès soudain d’Anne Rwigara à seulement 41 ans, après des douleurs abdominales persistantes, alimente les spéculations sur un possible empoisonnement. Ces circonstances éveillent des soupçons sur une répression orchestrée par le régime, ciblant les dissidents à l’approche des élections.
Un registre macabre dans la liste des dissidents
Ce tragique événement vient s’ajouter à une liste déjà longue de dissidents dont la mort est associée aux agissements du régime Kagame. L’histoire tragique du colonel Patrick Karegeya, ancien proche du président Kagame et dissident éliminé en Afrique du Sud, parce que devenu un farouche opposant au régime, illustre cette série de décès suspects, marquant un avertissement clair à toute dissidence.
Kagamé avait alors transmis un message clair : « La trahison a des conséquences. Quiconque trahit notre cause ou souhaite du mal à notre peuple deviendra une victime ».
Le décès d’Anne Rwigara renforce les craintes quant aux mesures extrêmes prises par le régime pour faire taire les voix opposantes. Cette tragédie met en évidence une réalité où les critiques contre le régime peuvent coûter la vie, alimentant ainsi les inquiétudes autour de la liberté d’expression et des droits de l’homme au Rwanda.