Politique

Une tribune du PPA-CI infiltrée par des forces de l’ordre : le parti de Gbagbo accuse l’État

Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) a révélé, vendredi 7 février 2025, la présence de six agents des forces de l’ordre déguisés en journalistes lors de sa tribune hebdomadaire à Abidjan. Une pratique qualifiée de « préoccupante » par le parti d’opposition, qui dénonce une atteinte à la transparence démocratique.

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L’incident : des gendarmes et policiers infiltrés

Lors de sa 34e tribune publique, tenue jeudi 6 février à Cocody, le PPA-CI a identifié quatre gendarmes et deux policiers en civil parmi les participants. Ces agents, présentés comme des journalistes, ont été repérés par les équipes du parti. Dans un communiqué, le PPA-CI exprime son « étonnement » et sa « préoccupation » face à des « méthodes de surveillance déguisées ».

« Pourquoi dissimuler leur identité dans un espace ouvert à tous ? »

, interroge le parti. Le PPA-CI rappelle que ses réunions sont publiques et accessibles aux médias, rendant inutile, selon lui, une infiltration.

Le communiqué du PPA-CI : transparence vs surveillance

Le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) exprime son inquiétude quant à la situation politique actuelle, à travers une déclaration officielle signée par son président exécutif, Sébastien Dano Djédjé. Dans ce texte au ton ferme, la formation politique dénonce un climat qu’elle juge préoccupant et exhorte les autorités à garantir un espace d’échange libre à toutes les forces politiques du pays.

Mettant en avant deux principes fondamentaux, le PPA-CI insiste d’abord sur l’importance de la transparence dans le fonctionnement démocratique. Selon le parti, toute société démocratique doit permettre la libre expression sans qu’elle ne soit entravée par des dispositifs de surveillance dissimulés. Ensuite, il rappelle que le pluralisme constitue un pilier essentiel de toute démocratie crédible, insistant sur la nécessité de préserver les libertés individuelles.

Face à cette situation, le parti de Laurent Gbagbo réclame des clarifications officielles des autorités compétentes et appelle à un strict respect des principes républicains.

Contexte politique : tensions et procès en cours

Cette polémique survient dans un climat politique tendu. La 34e tribune du PPA-CI a abordé des sujets sensibles :

  • La révision de la liste électorale, sujet récurrent des contestations.
  • La dette publique, critiquée par l’opposition.
  • Le procès de Damana Pickass, cadre du PPA-CI, poursuivi pour « attaque du 2e bataillon d’Abobo » en 2022. Le parquet a requis 20 ans de prison contre lui.

Le PPA-CI, classé à gauche et panafricaniste, accuse régulièrement le pouvoir de « réprimer » l’opposition. Cette nouvelle affaire d’infiltration renforce ses arguments.

Analyse : quelle logique derrière l’infiltration ?

Plusieurs hypothèses émergent sur les motivations des forces de l’ordre. La première est celle d’une surveillance préventive : les autorités pourraient chercher à anticiper des actions ou discours jugés subversifs de la part de l’opposition. Une seconde hypothèse suggère une tactique de pression politique, visant à intimider les membres du PPA-CI et à limiter leur marge de manœuvre. Enfin, certains experts évoquent une routine sécuritaire maladroitement exécutée, où les agents auraient agi sans réelle coordination ou directive claire. Quelle que soit la raison, le choix de l’infiltration, plutôt qu’une présence officielle, alimente les critiques sur le respect des libertés et la transparence des méthodes employées par l’État.

Comparaisons régionales : surveillance politique en Afrique 

La Côte d’Ivoire n’est pas un cas isolé en matière de surveillance politique. Des méthodes similaires ont été rapportées dans d’autres pays africains. Au Sénégal, en 2024, des opposants à Macky Sall ont dénoncé des écoutes illégales. Au Cameroun, des partis indépendants signalent régulièrement des intimidations et des infiltrations. Cependant, la Côte d’Ivoire se distingue par son image de « démocratie stabilisée » depuis 2011. Un tel incident risque de ternir cette réputation et de soulever des questions sur l’état réel des libertés publiques dans le pays. 

Le PPA-CI, un parti sous pression ?

Fondé en 2021 par d’anciens proches de Laurent Gbagbo, le PPA-CI se présente comme un défenseur de la « souveraineté populaire ».

Cependant, le parti fait face à des défis internes et externes. Des cadres ont récemment quitté le parti, critiquant sa ligne politique, tandis que plusieurs membres, dont Damana Pickass, sont visés par des procédures judiciaires. L’infiltration pourrait être une tentative de tester la réactivité du parti ou de recueillir des informations sensibles sur ses activités. 

Réactions et implications pour la démocratie ivoirienne

L’affaire relance le débat sur l’équilibre entre sécurité et libertés publiques en Côte d’Ivoire. Les relations entre pouvoir et opposition restent marquées par des crises passées, notamment celles de 2010-2011 et 2020. La société civile, représentée par l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme (OIDH), demande une enquête indépendante pour clarifier les faits. Du côté du pouvoir, aucune réaction officielle n’a encore été formulée, ce qui laisse planer un doute sur la volonté des autorités de répondre aux préoccupations soulevées. Si la pratique d’infiltration s’avère systémique, elle pourrait éroder la confiance dans les institutions, déjà fragile dans un pays en reconstruction post-crise. 

Un test pour Alassane Ouattara

Cette affaire place le président ivoirien Alassane Ouattara dans une position délicate. Alors que son mandat actuel s’achève en 2025, il doit concilier les impératifs sécuritaires, dans un contexte régional instable, avec les attentes démocratiques portées par une population jeune et connectée. La réponse, ou l’absence de réponse, des autorités déterminera si cette polémique reste un incident isolé ou devient un symbole de régression. 

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