Nouveau Scandale sur le Foncier : Adama Bictogo condamné à verser 6 milliards de FCFA à Martine Coffi-Studer

La Côte d’Ivoire, déjà confrontée à une série de litiges fonciers, voit éclater un nouveau scandale aux ramifications politiques. Adama Bictogo, président de l’Assemblée nationale et pilier du RHDP, parti au pouvoir, vient d’être condamné à verser 9,5 millions d’euros à Martine Coffi-Studer, dirigeante d’Africa Global Logistics. Cette décision, tombée le 27 février, intervient en pleine année électorale, où le RHDP, emmené par Alassane Ouattara, espère conserver la présidence.

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Une affaire aux relents de fraude

Tout commence en 2016. Adama Bictogo soumet au ministère des Transports des relevés topographiques pour déclasser un terrain de 5 000 m² à Treichville, propriété de Martine Coffi-Studer. Objectif : y construire une gare fluviale sous couvert de « service public ». Mais les juges découvrent un subterfuge : les documents reposent sur un faux relevé, validé par une signature appartenant à un fonctionnaire décédé depuis des années. Un « vrai faux » ayant induit en erreur le président Ouattara, selon le tribunal.

Douze magistrats rejettent à l’unanimité les arguments de Bictogo, qui invoquait un décret de déclassement. La condamnation à payer 6 milliards de FCFA (9,5 millions d’euros) fragilise l’élu, déjà visé par des enquêtes fiscales et des soupçons d’irrégularités.

Réactions populaires : entre colère et résignation

Sur les réseaux sociaux et dans les rues d’Abidjan, l’affaire alimente les débats. « Ça ne surprend plus personne. Les puissants s’accaparent les terres, et nous, on subit », lance un habitant de Treichville, sous couvert d’anonymat. Des collectifs citoyens dénoncent un « système pourri », tandis que des avocats soulignent l’urgence de réformer le cadastre.

La jeunesse, notamment, exprime son cynisme. « Bictogo condamné ? On verra s’il paie vraiment », ironise un étudiant sur Twitter. D’autres redoutent que l’affaire ne soit qu’un épisode parmi d’autres, noyé dans l’actualité électorale. Pourtant, la condamnation frappe un proche du pouvoir, à quelques mois d’un scrutin crucial pour le RHDP.

Enjeux électoraux : un RHDP sous pression

Alassane Ouattara, candidat à un nouveau mandat, doit composer avec les retombées de ce scandale. Le RHDP, déjà divisé par des luttes internes, voit sa crédibilité écornée. L’opposition saisit la balle au bond. « Ce jugement prouve que la corruption gangrène le pouvoir », assène un responsable du PDCI, exigeant des comptes.

Dans les milieux diplomatiques, on s’interroge : cette affaire pourrait-elle influencer l’électorat ? Si le RHDP mise sur les réalisations économiques du président, les litiges fonciers restent un point sensible. « Beaucoup d’Ivoiriens se sentent lésés dans leurs droits fonciers. Ce procès ravive ces frustrations », analyse un expert local.

Un terrain miné pour Ouattara

Le timing est délicat. Alors que le RHDP tente de mobiliser son socle électoral, le scandale Bictogo-Coffi-Studer rappelle les dysfonctionnements de l’appareil d’État. En 2020, un accord de 3 milliards de FCFA avait été trouvé entre les deux parties sous l’égide d’Amadou Gon Coulibaly, alors Premier ministre. Mais sa disparition en juillet de la même année avait enterré les négociations.

Aujourd’hui, la condamnation judiciaire relance le débat sur l’opacité des transactions foncières. « Les textes existent, mais leur application est sélective », déplore une avocate spécialisée. Les observateurs pointent également le rôle des arrêtés ministériels, parfois utilisés pour contourner les procédures légales.

Vers un électorat plus exigeant ?

Si l’affaire Bictogo domine l’actualité, elle s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis 2023, plusieurs scandales similaires ont éclaté, impliquant des élus et des hommes d’affaires. La population, lassée par ces pratiques, semble attendre des actes concrets. « On veut des réformes, pas des promesses », clame un militant associatif.

Pour le RHDP, le défi est double : contenir les critiques tout en évitant que le dossier ne s’étende à d’autres figures du parti. Certains cadres appellent à une « autocritique », tandis que d’autres minimisent l’impact électoral. « Les Ivoiriens votent pour des résultats, pas pour des procès », tempère un député RHDP.

une affaire miroir des tensions ivoiriennes

Au-delà des chiffres et des procédures, cette condamnation symbolise les fractures d’une nation en quête de transparence. Elle expose les connivences entre pouvoir politique et intérêts économiques, tout en testant la résilience des institutions.

À l’approche des élections, le RHDP devra naviguer entre défense de son bilan et gestion des crises. Quant à Alassane Ouattara, il lui faudra convaincre que son engagement contre la corruption dépasse les déclarations d’intention. Dans un pays où la terre reste un marqueur identitaire et économique, l’affaire Bictogo-Coffi-Studer pourrait bien laisser des traces durables.

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