En ce début d’année, des différends et litiges fonciers s’inscrivant dans une continuité de tensions anciennes se concentrent dans la commune de Cocody, notamment dans les zones de Bessikoi et Djorogobité, où se multiplient les réclamations opposant des chefferies locales, des acquéreurs présentant des documents contradictoires et un ministère de la Construction aux procédures administratives longues et opaques.
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Contexte historique des litiges fonciers
Depuis plusieurs décennies, le pays fait face à une coexistence des droits coutumiers et des droits administratifs, situation qui, en engendrant des recoupements et des chevauchements de revendications sur des terrains souvent dépourvus de titres clairs, a donné naissance à un ensemble de différends dont la persistance s’explique par une gestion qui peine à imposer un cadre unique et à faire respecter les décisions de justice.
Dans ce contexte, les zones de Bessikoi et de Djorogobité se retrouvent aujourd’hui au cœur d’un débat alimenté par des pratiques historiques et des formalités administratives devenues sources de conflit.
Les différends sur les terrains de Bessikoi et Djorogobité
Observant que les terrains situés dans ces quartiers connaissent une multiplication des litiges, les acteurs impliqués, qu’ils soient issus des chefferies d’Abobo-Baoulé ou de Djorogobité 2, présentent des revendications qui reposent sur des attestations villageoises et des documents officiels délivrés par le ministère, et ce, malgré une décision de 2023 de la Chambre administrative de la Cour suprême en faveur du chef du village de Djorogobité 2, ce qui n’a pas permis de dissiper les incertitudes quant à la légitimité des attributions et a, au contraire, renforcé le climat de défiance entre les parties concernées.
Le dossier du lot n°1149
Dans le cas précis du lot n°1149, sis dans l’îlot 120 de Djorogobité, la situation se complique lorsque deux personnes se disputent la même parcelle en invoquant des preuves administratives différentes : d’un côté, N’Guessan Konan Théodore qui présente une attestation villageoise récente, et de l’autre, Touré Mory, détenteur d’un Arrêté de Concession Définitive émis par le ministère de la Construction, formant ainsi une contradiction qui, en combinant la complexité des procédures et la coexistence de documents issus de sources diverses, alimente une opposition dont la résolution semble attendre l’intervention d’une autorité judiciaire capable de trancher dans un contexte déjà tendu.
Le dossier de Komé Bakary et la gestion des attestations
Parallèlement, le nom de Komé Bakary, fréquemment associé aux démarches administratives concernant les terrains de Bessikoi, revient dans les débats lorsque, dès 2018, il obtient un document pour un terrain avant que, l’année suivante, une nouvelle attestation ne soit attribuée à Traoré Assétou épouse Amon, une entrepreneure résidant à Paris, de sorte que la délivrance de deux documents différents pour une même parcelle conduit à une suspension des activités sur le site et laisse entrevoir une situation où l’assemblage des attestations coutumières et des documents administratifs remet en question la validité des transactions effectuées.
La gestion administrative et les difficultés du MCLU
Le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, en charge de l’attribution des titres fonciers, se trouve aujourd’hui sous le regard critique des observateurs en raison de procédures qui, par leur lenteur et leur manque de transparence, ne parviennent pas à encadrer efficacement les attributions de terrains, ce qui se manifeste notamment par la multiplication d’attestations villageoises contradictoires et par des contrôles insuffisants sur les cessions coutumières, faisant ainsi écho à des scandales survenus en 2024 lorsque certains cadres furent placés sous contrôle judiciaire pour leur implication dans des opérations d’appropriation de terres à Bingerville, incident qui a renforcé le sentiment d’incertitude et d’injustice au sein des communautés concernées.
Propositions d’amélioration et initiatives pour une régulation efficace
Face à l’accumulation des litiges fonciers , divers acteurs invitent à revoir les méthodes d’attribution en proposant notamment la publication régulière des informations relatives aux attributions de terrains, la réduction significative des délais de traitement des demandes d’Arrêté de Concession Définitive et la mise en place de sessions de formation pour les agents en charge des dossiers fonciers, mesures qui visent à
limiter les risques de chevauchement des droits et à offrir aux parties impliquées une meilleure visibilité sur l’état des transactions, tout en soulignant que la collaboration entre services administratifs et instances judiciaires pourrait permettre, à terme, d’instaurer un cadre plus uniforme et de prévenir les conflits qui se développent dans un environnement où les pratiques coutumières cohabitent avec des procédures officielles parfois discordantes.
Dialogue entre parties et perspectives d’évolution
Observant que la persistance des différends fonciers incite certains acteurs à organiser des rencontres regroupant représentants des chefferies, autorités administratives et acteurs privés, il apparaît que ces échanges, bien qu’ils n’aboutissent pas toujours à une solution immédiate, offrent néanmoins une possibilité de rapprocher les positions en mettant sur la table la nécessité d’harmoniser les procédures et de clarifier les droits en présence, ce qui pourrait, en encourageant un dialogue constructif, contribuer à apaiser le climat de méfiance et à faciliter une gestion des terrains reposant sur une application plus rigoureuse des documents officiels délivrés par l’administration.
Synthèse
Récapitulant l’ensemble des faits, la situation actuelle des litiges fonciers à Bessikoi et Djorogobité se caractérise par la coexistence d’attestations villageoises et de documents administratifs dont la multiplicité entraîne des conflits dont l’issue dépendra des décisions judiciaires et de la capacité des autorités à revoir leurs procédures afin de clarifier les droits et d’établir une gestion des terrains fondée sur des critères communs, laissant ainsi entrevoir la possibilité, dans un avenir proche, d’un environnement foncier où la transparence et la régularisation des dossiers permettraient de réduire les tensions et d’offrir aux populations concernées un cadre juridique mieux adapté aux enjeux actuels.