Le Conseil des Apôtres de Côte d’Ivoire a tenu une conférence de presse le 18 février afin d’exprimer ses inquiétudes face à l’adoption, sans débat parlementaire, de l’Ordonnance sur la société civile, qui impose des règles strictes aux institutions religieuses et soulève ainsi des questions sur la préservation de la liberté des églises.
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Un dispositif réglementaire contesté
Adoptant une approche qui, dès l’origine, a suscité de vives réactions, l’Ordonnance sur la société civile, promulguée le 12 juin 2024, impose des contraintes administratives aux églises et à l’ensemble des acteurs de la société civile, mesures qui, selon le Conseil des Apôtres de Côte d’Ivoire (CACI), restreignent la liberté des églises en renforçant le contrôle étatique sur leur fonctionnement.

Confrontant le besoin d’encadrer les activités associatives à celui de préserver l’autonomie spirituelle, les responsables religieux expriment, lors de cette conférence de presse, leur inquiétude face à un dispositif dont la portée et l’application semblent s’étendre bien au-delà de la simple organisation interne des structures religieuses, posant ainsi la question fondamentale de savoir si l’Ordonnance sur la société civile n’est pas en train de compromettre la liberté des églises en imposant des règles perçues comme intrusives.
Des articles qui redéfinissent l’espace associatif
Examinant de près les dispositions de l’Ordonnance sur la société civile, le CACI rappelle que plusieurs articles en particulier interpellent par leur formulation et leur application. Parmi ces mesures, l’article 30 exige, dans la mesure du possible, la promotion du genre dans la composition des organes des églises, une obligation qui, en soulevant des débats sur l’interprétation des valeurs traditionnelles, conduit certains pasteurs à craindre une remise en cause de la liberté des églises quant à leur mode d’organisation.
Par ailleurs, l’article 32, qui encadre la réception des dons et des legs, ainsi que l’article 47, autorisant l’État à effectuer des visites inopinées dans les installations religieuses, viennent apposer une empreinte étatique dans des domaines jusque-là considérés comme relevant de l’autonomie interne, alimentant ainsi une méfiance grandissante quant à la préservation de la liberté des églises.
Poursuivant cet examen, l’article 48 impose aux églises de présenter un rapport général des activités chaque année avant le 31 mars, une mesure que les responsables dénoncent comme un fardeau administratif supplémentaire pouvant limiter leur marge de manœuvre. De surcroît, l’article 77 impose une déclaration préalable d’au moins un mois pour la participation d’orateurs étrangers à toute activité, et l’article 79 impose que toute nouvelle construction d’église soit située à au moins un kilomètre d’une autre, des dispositions qui, en contraignant les initiatives de développement, posent la question de la compatibilité de ces mesures avec la liberté des églises.
Enfin, l’article 86 ouvre la possibilité pour le Ministre chargé de l’Administration du territoire de dissoudre une église par arrêté ministériel, une clause qui, en instaurant une intervention directe dans le fonctionnement des institutions religieuses, vient renforcer l’idée d’une ingérence étatique préjudiciable à la liberté des églises.
Réactions et interrogations au sein des communautés religieuses
Rassemblant plusieurs pasteurs lors de cette conférence de presse, le CACI a fait part de ses préoccupations en dénonçant l’Ordonnance sur la société civile comme une mesure qui, en imposant une surveillance accrue et des formalités administratives, risque de limiter la liberté des églises et de compromettre leur fonctionnement autonome.
S’exprimant tour à tour et en exposant leurs craintes quant à une interprétation extensive de la loi, ces responsables ont insisté sur le fait que l’absence de débat parlementaire lors de l’adoption de l’ordonnance démontre une volonté de réduire au silence toute forme de dissidence et de placer les églises sous une tutelle étatique trop pesante. En soulignant que l’intégration du terme « genre » dans les obligations imposées aux organes religieux soulève d’importantes interrogations sur l’application des textes religieux et sur l’impact sur la liberté des églises, ils appellent à une révision des mesures afin de garantir un équilibre respectueux entre le contrôle étatique et l’autonomie des institutions.
Des enjeux qui invitent à la réflexion
En posant la question de savoir jusqu’où l’Ordonnance sur la société civile peut intervenir dans la vie des associations religieuses sans compromettre la liberté des églises, plusieurs acteurs, au-delà du CACI, invitent à un débat ouvert sur la place de l’État dans le domaine spirituel
. Déployant leurs arguments dans un contexte marqué par la diversité des croyances et des pratiques, ces responsables soulignent qu’une telle réglementation, en imposant des contraintes administratives rigides, risque de favoriser une standardisation des modes d’organisation au détriment d’une pratique libre et adaptée aux spécificités locales. Ils dénoncent notamment le fait que l’ordonnance, en s’inscrivant dans une logique de contrôle centralisé, pourrait aboutir à une harmonisation forcée des pratiques religieuses, limitant ainsi la liberté des églises de s’organiser en fonction de leur histoire et de leur culture propre.
Par ailleurs, la question se pose de savoir si l’Ordonnance sur la société civile ne servirait pas à instaurer une surveillance permanente, en facilitant l’intervention de l’État dans des domaines relevant traditionnellement de l’autogestion des communautés. En insistant sur la nécessité de préserver la liberté des églises tout en assurant un encadrement permettant de prévenir les abus, les acteurs religieux appellent à une prise de recul et à un dialogue entre les représentants de l’État et les institutions religieuses, espérant ainsi trouver un compromis acceptable pour l’ensemble des parties.
Pour finir
Réaffirmant que l’Ordonnance sur la société civile, en imposant une série de mesures administratives et en instaurant un contrôle étatique renforcé, incite à repenser les rapports entre l’État et les institutions religieuses, le CACI et d’autres acteurs du milieu religieux laissent entendre que la liberté des églises doit rester garantie pour éviter une ingérence trop lourde dans la vie associative et spirituelle.
En appelant à un débat ouvert et à une réévaluation des dispositions en vigueur, ils invitent l’ensemble des acteurs concernés à s’interroger sur l’avenir de la liberté des églises dans un contexte où les exigences de régulation peinent à s’adapter aux spécificités des pratiques religieuses, posant ainsi la question de savoir si l’équilibre entre contrôle étatique et autonomie des institutions peut être retrouvé sans compromettre les valeurs fondamentales de liberté de culte.
Agissant dans l’espoir de susciter une réflexion collective, la conférence de presse organisée par le Conseil des Apôtres de Côte d’Ivoire marque un moment déterminant, invitant chacun à considérer avec attention les implications de l’Ordonnance sur la société civile et à envisager les répercussions à long terme sur la liberté des églises dans un pays en pleine mutation, où le débat entre régulation et autonomie continue de faire l’objet de discussions passionnées et d’interrogations essentielles pour l’avenir des institutions religieuses et de la société civile tout entière.