À quelques mois des élections de juin, les ministres de l’Agriculture de l’UE appellent à répondre à une colère aux causes très diverses. Bruxelles lancera jeudi un « dialogue stratégique » aux contours flous avec le secteur. « La colère des agriculteurs est multifactorielle, ce n’est pas nécessairement pour les mêmes raisons qu’ils manifestent d’un pays à l’autre » mais au niveau européen leurs préoccupations « doivent être mieux prises en compte », a averti le ministre belge David Clarinval, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.
Lire aussi : France : des demandes d’asile à un niveau record, mais loin de l’Allemagne et de l’Espagne
Agriculture : Causes diverses de la colère des Agriculteurs à travers l’Europe
« Leur travail n’est peut-être pas suffisamment reconnu. Ils peuvent avoir l’impression d’être sous pression constamment, avec beaucoup d’évolution des politiques ces dernières années », a ajouté en écho son homologue irlandais Charlie McConalogue. Les ministres de l’Agriculture de l’UE, réunis à Bruxelles, discuteront dans l’après-midi du « dialogue stratégique » proposé par la Commission européenne. Cette initiative, confirmée seulement la semaine dernière, avait été promise dès septembre par la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen, appelant à « moins de polarisation » autour du Pacte vert, vaste ensemble de législations environnementales.
Le Copa-Cogeca, l’organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, considère l’initiative comme bienvenue mais tardive. Avec l’enjeu explosif de l’agriculture avant les élections européennes, le ministre espagnol Luis Planas exprime son inquiétude quant à l’exploitation politique de l’extrême-droite utilisant les agriculteurs comme levier politique. À l’ordre du jour de la rencontre de jeudi : les revenus des agriculteurs, la durabilité des pratiques, l’innovation technologique et la compétitivité, dans le but de « forger une vision commune de l’avenir » et de « s’assurer que les agriculteurs sont récompensés pour leur contribution aux objectifs environnementaux ».
Agriculture : Préparation de la politique agricole commune (PAC) post-2028
Luis Planas déplore le moment choisi pour le dialogue, suggérant qu’il aurait dû commencer lors de la présentation de la nouvelle Politique agricole commune (PAC) ou des propositions du Pacte vert. Malgré les problèmes immédiats, l’objectif est de préparer le terrain pour la prochaine législature et la PAC post-2028. Les récentes manifestations reflètent des problèmes nationaux divers, tels que la taxation du gazole en Allemagne, mais des secousses ont été ressenties partout en raison d’événements climatiques extrêmes, de la grippe aviaire et de la hausse des prix de l’énergie.
Un autre sujet clivant est l’afflux de produits agricoles ukrainiens dans l’UE depuis la levée des droits de douane en 2022. Au-delà des cultivateurs polonais et roumains, les organisations agricoles appellent à restreindre ces importations (céréales, volailles, sucre…), les accusant de faire chuter les prix, en écho aux critiques récurrentes sur les accords de libre-échange négociés par Bruxelles. Il existe également une « exaspération » diffuse face à une « surchauffe réglementaire », estime Christiane Lambert, présidente du Copa.
Agriculture : Ignorance des contextes géopolitiques, climatiques et économiques
En tant que principal poste du budget européen, la nouvelle PAC, entrée en vigueur en 2023, a renforcé les obligations environnementales. Depuis lors, la machine réglementaire fonctionne à plein régime, ignorant les contextes géopolitiques, climatiques et économiques, selon le Copa. Des préoccupations spécifiques incluent une loi promouvant la restauration d’écosystèmes agricoles dégradés (tourbières…), malgré une atténuation après une violente bataille au Parlement européen. Un autre texte encadrant les émissions polluantes des gros élevages exclura finalement les bovins mais inclura porcs et volailles. La Commission, face à une résistance croissante, a fait des concessions, proposant de relâcher la protection des loups et abandonnant un projet d’étiquetage nutritionnel.
à découvrir : Amazon France condamné à une amende de 32 millions d’euros par la CNIL
Le Parti populaire européen (PPE), premier groupe au Parlement européen, a cherché à diluer considérablement les textes agricoles. Tout en partageant les ambitions environnementales, le PPE insiste sur leur adaptation à la conjoncture actuelle. Anne Sander, députée européenne du PPE, critique la Commission pour avoir ignoré le monde agricole et les alertes pendant quatre ans. Au centre et à gauche, on appelle plutôt à renforcer le soutien financier aux agriculteurs, d’autant plus que l’UE s’apprête à lancer le débat sur son objectif climatique 2040, impliquant une décarbonation douloureuse du secteur agricole (responsable de 11% des émissions de gaz à effet de serre en Europe).