L’annonce du gouvernement dirigé par François Bayrou continue de susciter une onde de choc dans le paysage politique français. Ce lundi 23 décembre 2024, la composition de l’exécutif a été dévoilée, provoquant un tollé à gauche comme à droite. Entre accusations de retour des « revenants » politiques, critiques d’une alliance implicite avec l’extrême droite, et scepticisme des syndicats, nombreux sont ceux qui se demandent si ce gouvernement ne représente pas le pire épisode de la Vᵉ République.
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Des ministres controversés au cœur de la tempête
La nomination de plusieurs figures politiques issues de la macronie a immédiatement déclenché un feu nourri de critiques. Élisabeth Borne, ancienne Première ministre et figure centrale de la réforme des retraites à 64 ans, fait son retour comme ministre de l’Éducation nationale. Une décision perçue par beaucoup comme une provocation, étant donné son rôle dans l’adoption de réformes controversées à coups de 49.3.
Aurélie Trouvé, députée de La France insoumise, n’a pas mâché ses mots : « On reprend les responsables qui ont sapé la justice sociale et ignoré la colère des urnes. » Ces propos illustrent un sentiment général de trahison parmi une partie des électeurs, qui espéraient un tournant politique après les législatives.
Autre retour remarqué, celui de Gérald Darmanin, désormais Garde des Sceaux. Sa nomination est accueillie avec autant de scepticisme. Selon Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats, le choix de Darmanin soulève des interrogations sur les priorités judiciaires du gouvernement, alors que de nombreux dossiers sensibles attendent d’être traités.
La gauche et l’extrême droite s’accordent sur le rejet
Fait rare dans l’histoire politique récente : gauche et extrême droite convergent dans leur rejet du gouvernement Bayrou. Olivier Faure, leader du Parti socialiste, a dénoncé sur les réseaux sociaux une « provocation », allant jusqu’à qualifier ce gouvernement de « droite extrême sous la surveillance de l’extrême droite ».
De son côté, Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), a qualifié ce cabinet de « coalition de l’échec ». Ce paradoxe souligne l’isolement grandissant de François Bayrou, coincé entre des oppositions idéologiquement incompatibles mais unies par leur critique commune.
Un gouvernement sous influence ?
L’un des points les plus controversés demeure l’ombre du Rassemblement national sur la composition du gouvernement. Si François Bayrou réfute toute « influence » du RN, plusieurs nominations laissent planer le doute. Marine Le Pen, discrète mais stratège, semble avoir donné son aval à certains choix ministériels. Cette alliance tacite inquiète autant qu’elle divise, notamment au sein des Républicains, où Laurent Wauquiez a déclaré que le soutien de son parti ne serait pas « inconditionnel ».
Les accusations d’instrumentalisation de l’extrême droite sont particulièrement graves dans un pays marqué par une tradition républicaine où la défense des institutions de la Ve République reste une priorité. Pour Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, ce gouvernement ne peut qu’être voué à la censure. Elle prédit même la chute de François Bayrou, et par ricochet celle du président Emmanuel Macron, qualifiant leur alliance de « déconnexion totale avec les attentes des Français ».
Des choix contestés par les syndicats
Au-delà du spectre politique, le scepticisme gagne aussi les rangs des syndicats. Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES/FSU, s’interroge sur la capacité d’Élisabeth Borne à répondre aux défis d’un secteur éducatif en crise. Denis Gravouil, membre de la CGT, dénonce un gouvernement « dans les mains du RN », alors même que les électeurs avaient exprimé leur rejet de cette formation aux législatives.
Les choix économiques sont également scrutés avec attention. La nomination d’Éric Lombard, ex-directeur de la Caisse des dépôts et consignations, comme ministre de l’Économie, est perçue comme un signe de continuité plutôt que de changement. Pour de nombreux syndicats, cette décision reflète un alignement sur une ligne de rigueur budgétaire peu compatible avec les revendications sociales exprimées ces derniers mois.
Une fracture entre l’exécutif et les Français
L’installation de ce gouvernement intervient dans un contexte de défiance généralisée envers les institutions. La Vᵉ République, souvent critiquée pour son caractère présidentialiste, semble aujourd’hui être à un tournant où la crise de confiance atteint son paroxysme.
Le décalage entre l’exécutif et les attentes citoyennes s’est creusé au fil des années. La nomination de figures déjà désavouées par les urnes, comme Élisabeth Borne ou Gérald Darmanin, est perçue comme un affront à l’expression démocratique. Cette situation reflète l’incapacité du système actuel à se renouveler face aux défis contemporains.
Un avenir incertain pour la Vᵉ République
Alors que François Bayrou affiche un optimisme de façade, affirmant vouloir « renouer la confiance avec les Français », les tensions autour de son gouvernement risquent de fragiliser davantage les fondations de la Vᵉ République. Le Premier ministre joue gros : sa capacité à maintenir une majorité parlementaire conditionnera non seulement son avenir, mais également celui de l’ensemble du régime politique.
La contestation grandissante et l’incertitude qui pèse sur ce gouvernement alimentent les spéculations sur une potentielle refonte des institutions. À gauche comme à droite, certains appellent à un nouveau souffle démocratique, passant par une VIe République.
En attendant, le gouvernement Bayrou reste sous le feu des critiques, accusé d’incarner non pas un renouveau, mais une résurgence des travers politiques qui éloignent toujours plus les citoyens des cercles du pouvoir. Si ce gouvernement marque réellement une étape décisive dans l’histoire de la Ve République, ce n’est peut-être pas pour les raisons qu’espérait François Bayrou.