TV5Monde sous les feux pour son projet d’ouverture à l’Afrique !
C’est une polémique dont TV5Monde se serait bien passé. Elle concerne l’arrivée dans son actionnariat de pays africains à la gouvernance controversée. Le groupe audiovisuel public français a inscrit cette idée – qui suscite des remous en interne – dans son plan stratégique pour 2025-2028. Ainsi, sept pays africains – le Bénin, le Gabon, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, la République démocratique du Congo et le Congo-Brazzaville – pourraient entrer dans le capital de la chaîne qui se partage entre des sociétés audiovisuelles publiques de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, du Québec et de Monaco.
L’objectif d’ouverture à l’ensemble de la francophonie
Pour Yves Bigot, qui dirige TV5Monde depuis 2012, il est essentiel que le groupe TV5Monde s’ouvre à l’ensemble de la francophonie. « On ne peut pas rester éternellement la chaîne de la francophonie du Nord sans accueillir les sensibilités et le regard des Africains », plaide-t-il. Le média se félicite de toucher 62 millions de téléspectateurs par semaine, dont 80 % viennent du continent africain. Mandaté le 8 décembre 2023 par les représentants des différents pays actionnaires, M. Bigot – accompagné par la directrice du marketing, de la distribution et de la commercialisation du groupe , Denise Epoté – a multiplié les voyages en Afrique ces derniers mois.
Il a rencontré Denis Sassou Nguesso, le dirigeant de la République du Congo, et Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo. Depuis quelques mois, le patron de la chaîne est en tournée pour tenter de faire entrer plusieurs pays africains à l’actionnariat de la chaîne, dont le siège est basé à Paris. Si l’objectif affiché d’ouverture à d’autres acteurs de la Francophonie est tout à fait louable, le casting comprend plusieurs États au passif très lourd en matière d’atteintes à la liberté de la presse et dont les chaînes publiques nationales, appelées à être représentées et diffusées, restent des instruments de propagande au service des régimes en place, très loin des standards d’une information libre, plurielle, fiable et indépendante.
TV5Monde Des préoccupations sur l’indépendance journalistique
Dans les prochaines années, sept pays africains pourraient intégrer le capital de TV5Monde , la chaîne francophone actuellement détenue par des sociétés audiovisuelles publiques française, belge, canadienne, québécoise, suisse et monégasque. Le Sénégal (104e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF), la Côte d’Ivoire (54e), le Bénin (112e), le Congo (81e), le Cameroun (138e), le Gabon (94e) et la République démocratique du Congo (124e) ont été sondés ou sont en passe de l’être par Yves Bigot, le PDG de la chaîne.
Selon les premières informations parues dans la presse et un document produit en interne par le groupe relatif à ce projet obtenu par RSF, les pays ciblés se sont vus proposer, moyennant une participation à hauteur de 600 000 euros par an, la possibilité de siéger de manière tournante au conseil d’administration de la chaîne. Pour un siège permanent, le ticket d’entrée s’élèvera à 4,2 millions d’euros. Le budget de la chaîne s’élève à 124 millions d’euros pour 2024.
Les défis pour garantir l’indépendance éditoriale
En matière d’information, la perspective de ces arrivées potentielles au capital de TV5Monde quadragénaire soulève de nombreuses questions sur l’indépendance de sa rédaction et la fiabilité de ses contenus d’information. Plusieurs de ces pays sont en effet connus pour leurs atteintes répétées à la liberté de la presse.
“Solliciter une junte militaire (le Gabon) et deux pays (le Cameroun et le Congo) dirigés par les mêmes hommes depuis des décennies et dont l’actualité est régulièrement émaillée d’assassinats et de détentions arbitraires de journalistes soulève des inquiétudes légitimes quant au futur de l’information sur cette chaîne publique. Nous demandons aux gouvernements bailleurs déjà présents et aux actuels responsables de TV5Monde de ne pas mettre en péril un modèle d’information libre et indépendant sur l’autel de considérations diplomatiques. Il convient d’entendre les craintes fondées déjà exprimées et de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer les mécanismes visant à protéger la liberté et l’indépendance de la rédaction.” Arnaud Froger responsable du bureau investigation de RSF
TV5Monde : Préoccupations des correspondants et risques d’autocensure
Le projet inquiète particulièrement les correspondants de TV5Monde qui font déjà face à des pressions dans certains de ces pays approchés pour entrer au capital de la chaîne . “Une entrée dans la gouvernance risque d’aggraver cette situation, voire de dissuader des collaborateurs de travailler avec nous”, craint un journaliste de la chaîne basé à Paris.
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Autre problème, les journaux des chaînes publiques de ces États devraient être diffusés en partie ou en intégralité à l’antenne. Or, leur contenu relève encore très souvent de la propagande d’État au service des gouvernements ou des régimes en place. “Aurait-on pu traiter l’affaire Martinez Zogo avec la même pugnacité (NDLR: journaliste assassiné par un commando issus des services secrets camerounais)
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